France

Inflation, sécheresse, nuisibles : sous pression, le monde agricole manifeste

Les agriculteurs multiplient les démonstrations de force à travers la France, à l’approche de leur salon à Paris. Confrontés à une multitude de défis et s'estimant négligés par les autorités, les producteurs s’inquiètent pour leur survie.

Quelques jours avant l’ouverture du salon de l’agriculture, les producteurs ont donné de la voix le 21 février, à l’appel de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) et des Jeunes agriculteurs (JA).

Dans le Puy-de-Dôme, les agriculteurs ont mené plusieurs opérations coups de poing, dont des contrôles des prix, de la provenance et des informations fournies aux consommateurs, notamment du lait et de la viande, dans des grandes surfaces.

L’agriculture en proie à une crise profonde et multiple

Confrontés à la hausse de leurs coûts, les producteurs français redoutent la concurrence des produits importés qui ne sont pas soumis aux mêmes normes que les leurs. «Vous n'imaginez pas le niveau de fragilité sur les exploitations, avec des prix historiquement bas» confiait au quotidien La Montagne David Chauve, secrétaire général de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Des prix qui touchent directement les rémunérations des producteurs.

Même grief, à Nîmes, où la situation était plus tendue. Après de premiers heurts avec les forces de l’ordre devant la Direction départementale des territoires et de la mer du Gard, où ils ont mis le feu à des souches de vigne, les manifestants ont recouvert de fumier l’avenue menant à la préfecture devant laquelle ils ont échangé oignons contre grenades lacrymogènes avec les gendarmes. Suite à cet «accueil», les agriculteurs ont bloqué l’accès à l’autoroute, comme l’a expliqué le président de la FDSEA du Gard à l’antenne locale de Midi Libre.

À Lyon, ce sont trois cortèges de tracteurs qui ont convergé dans la matinée du 21 février vers le centre-ville. Destination finale : la préfecture du Rhône, après un arrêt à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) devant laquelle ils ont déchargé du purin et du foin. Là aussi, les manifestants entendaient exprimer leur colère face à la concurrence des produits européens et la politique des prix bas, alors que les coûts de production flambent.

«Stop aux interdictions sans solutions». 

Un mois plus tôt, mi-janvier, à quelques dizaines de kilomètres au sud de Lyon, les producteurs de cerises avaient déjà défilé. 300 arboriculteurs, venus avec une cinquantaine de tracteurs, avaient bloqué le centre de Tournon-sur-Rhône pour réclamer la levée de l’interdiction visant le diméthoate. Selon eux, ce pesticide classé toxique, interdit depuis 2016, est actuellement la seule arme contre la prolifération d’une mouche asiatique (drosophila suzukii) qui ravage leurs vergers.

À 500 kilomètres à l'ouest de la Capitale des Gaules, à Mont-de-Marsan, un millier d’agriculteurs et quatre-vingts tracteurs ont aussi défilé le 21 février devant la préfecture des Landes. Venus de quatre départements du Sud-Ouest (Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Gers et Landes), les manifestants ont répandu de la paille devant la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Landes.

«Notre but ce n'est pas d'assécher la planète»

Leur mot d’ordre : défendre le maintien de leurs droits de prélèvements pour l'irrigation et réclamer la construction d'ouvrages de stockage d'eau, à l’heure où Métro France enregistre une période record sans véritables précipitations.

«Il y a une ambiance négative autour de l'eau, ce sera bientôt un péché d'irriguer», a lancé à la foule François Lesparre, président de la FDSEA 40, pendant qu'une délégation était reçue par la préfète des Landes. «2022 a été une révélation sur le fait qu'on manquait d'eau mais la seule variable d'ajustement choisie c'est de baisser les quotas», a regretté son homologue pour les Hautes-Pyrénées, Christian Fourcade, déplorant qu'il n'y ait pas eu dans son département «de construction d'ouvrage pour le stockage d'eau depuis 1830».

«On en a ras-le-bol, on tape sur les agriculteurs, mais notre but ce n'est pas d'assécher la planète», a encore déclaré Marlène Duru, salariée agricole landaise de 27 ans, qui redoute de devoir renoncer à un projet de production de fruits rouges si l'accès à l'irrigation est restreint. En janvier, le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) se disait «assez pessimiste» sur la disponibilité l'été prochain de l'eau souterraine, qui fournit deux tiers de l'eau potable et un tiers de l'irrigation agricole.