S'il y a bien une mesure considérée comme une avancée sociale dans la controversée réforme des retraites, c'est celle des fameuses pensions minimales revalorisées à 1 200 euros brut pour les actuels et futurs retraités. Certains journalistes tels que Léa Salamé ont considéré cet argument du gouvernement, comme étant celui du «1 200 euros pour tous». Pour cause : un discours gouvernemental le laissait croire, à l'instar des propos tenus par le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Franck Riester. Le 10 décembre, auprès des lecteurs de Sud Ouest, il affirmait que ce serait «"pas moins de 1 200 euros" : c’est notre engagement pour les pensions de retraite des Français».
Or, pour les toucher il faut remplir plusieurs conditions, dont celles d'une carrière complète (non hachée). L'économiste Mickaël Zemmour pointait du doigt sur France inter le 7 février, un certain flou gouvernemental : «Il n'y a pas de pension minimale à 1 200 euros dans la réforme», déclarait-il, détaillant la véritable mesure : «La seule mesure qu'il y a dans la réforme c'est une revalorisation de certaines petites pensions si vous n'avez pas de décote. Cette revalorisation est comprise entre 0 et 100 euros et c'est plutôt 33 euros en moyenne pour les nouveaux retraités, 50 euros en moyenne pour les retraités actuels.»
«Aujourd'hui, vous avez cinq millions de retraités qui sont sous les 1 200 euros. Les seuls qui vont passer la barre [des 1 200 euros], ce sont ceux qui sont à 1 100 euros ou plus. Et vous aurez toujours au terme de la réforme 4,2 millions ou 4,3 millions qui seront sous les 1 200 euros», précise-t-il.
Allant plus loin, Mickaël Zemmour note que même les salariés ayant une carrière complète «ne seront pas garantis d'avoir 1 200 euros», évoquant une simple «revalorisation du minimum contributif c'est à dire la pension de base sans l'Agirc-Arrco». Face aux journalistes étonnés du raisonnement, l'économiste a constaté que ««c'est pour cela qu'il y a un problème démocratique», nombre de Français ayant compris «que tout le monde aurait 1 200 euros minimum».
Pourtant le 10 janvier, Elisabeth Borne promettait que «conformément à [leur] engagement, les salariés et les indépendants, notamment les artisans et les commerçants, qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du Smic, partiront désormais avec une pension de 85% du smic net, soit une augmentation de 100 euros par mois. C’est près de 1 200 euros par mois dès cette année». Elle a réitéré à plusieurs reprises ce discours, comme le 18 janvier devant le Sénat : «Nous allons augmenter la pension minimale à 85 % du smic net pour ceux qui ont une carrière complète au niveau du smic, c’est-à-dire une hausse de 100 euros par mois.»
L'AFP a également écrit, notamment dans une dépêche du 21 janvier relayée ensuite dans la presse, que «les pensions des futurs retraités justifiant d'une "carrière complète" (43 ans à terme) ne pourront pas être inférieures à 85% du Smic, soit environ 1 200 euros brut par mois au moment de l'entrée en vigueur de la réforme». Plusieurs dépêches reprenaient ce discours. Or, la plupart des retraités aux petites pensions ayant eu une carrière complète ont souvent eu des périodes de travail à temps partiel, et ne sont donc pas concernés par le dispositif prévu. L'économiste Nathalie Chusseau a confirmé sur France info le 8 février que «tout le monde n'arrivera[it] pas» à 1 200 euros et considère qu'il y a encore des flous sur les revalorisations des pensions.
Le journaliste Luc Peillon a analysé pour Libération le 4 février «les petits mensonges et grosses approximations du gouvernement sur les bénéficiaires» d'un minimum retraite à 1 200 euros, concluant que «si le chiffrage du nombre de personnes concernées par ces 1 200 euros est difficile à établir, tout indique cependant qu’elles devraient être assez peu nombreuses», exposant les multiples critères pour atteindre réellement le seuil pour les personnes touchant moins.
Les femmes ne seront pas les grandes gagnantes de la pension à 1 200 euros
Comme Elisabeth Borne, Olivier Véran, lors d'un débat sur BFM TV le 24 janvier, a énuméré les avantages escomptés pour les femmes, notamment le fait qu'elles seront à 60% les bénéficiaires de la revalorisation des petites retraites à 1 200 euros brut.
L'économiste Rachel Silvera appuie auprès de l'AFP que le chiffre de 1 200 euros ne relève que de l'«affichage en ce qui concerne les femmes», tant les carrières «incomplètes» sont fréquentes chez elles.
Le discours parfois manipulatoire sur les 1 200 euros, a poussé le ministre du Travail Olivier Dussopt à reconnaître un chiffre très bas des retraités aux petites pensions pouvant espérer cette somme. «Vous dire que ça représente 10 000, 20 000, 30 000 personnes, je ne le sais pas, parce que ça va changer chaque année, en fonction des carrières des personnes concernées», a-t-il reconnu sur France inter le 9 février.