France

En pleine réforme des retraites, Olivier Dussopt rattrapé par une affaire de «favoritisme»

Le parquet national financier (PNF) a retenu l'infraction de «favoritisme» pour un futur procès à l'encontre d'Olivier Dussopt qui portera sur un marché public conclu à la fin des années 2000 avec un groupe de traitement de l’eau.

L’affaire tombe on ne peut plus mal pour le ministre du Travail, en première ligne sur la réforme des retraites. Ce dernier a indiqué le 3 février à l’AFP, peu après la publication d’un article de Mediapart sur le sujet, que le PNF avait retenu l'infraction de «favoritisme» dans une enquête qui concernait initialement deux œuvres d'art reçues en cadeau en 2017.

Dans une note de synthèse adressée à son avocat, «le parquet considère qu'il subsiste un seul grief, en l'occurrence une infraction formelle de favoritisme dans un marché public de 2009», a déclaré Olivier Dussopt à l’agence de presse, ajoutant qu'«aucune corruption» ne lui est reprochée.

D’après Mediapart, la perquisition réalisée chez le ministre par les enquêteurs financiers de l’Oclciff (Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales) a mis à jour «des échanges entre Olivier Dussopt et (la Saur) semblant laisser peu de doute sur l’existence d’un arrangement autour d’un marché public daté de 2009-2010», au moment où il était député et maire d’Annonay (Ardèche). Interrogé, le PNF s'est refusé à tout commentaire.

Un procès en perspective ?

Le PNF avait récemment transmis des éléments de son enquête aux avocats du ministre, une phase dite de «contradictoire», pour qu’ils répondent sur les charges que le ministère public envisageait de retenir.

A l’issue de cette phase, le PNF a adressé une «note de synthèse» le 23 janvier aux avocats d’Olivier Dussopt, d’après celui-ci. Il ne reste plus au PNF qu’à formaliser la tenue d’un procès avec l’envoi de citations à comparaître. Selon Mediapart, la Saur pourrait comparaître pour recel de favoritisme. Cette audience pourrait se tenir d’ici un an.

Dans un communiqué, le groupe Saur dit avoir «pris connaissance de l’article publié par Mediapart» le 3 février. Saur «a bien été destinataire d’une note de synthèse» du PNF «qui envisage, s’agissant de Saur, une action sur l’unique fondement de faits survenus en 2009».

«Tous les autres faits investigués par le PNF ont été classés sans suite» et Saur «considère que cette action résiduelle à son encontre, près de 15 ans après les faits, n’est pas justifiée, et fera valoir ses arguments devant le tribunal qui en sera saisi», ajoute le groupe.

Deux lithographies de Gérard Garouste non déclarées

L'enquête préliminaire pour prise illégale d'intérêt avait été ouverte contre Olivier Dussopt initialement à propos de deux lithographies du peintre Gérard Garouste qui lui avaient été offertes par une entreprise en 2017, alors qu'il était député-maire d'Annonay. L'enquête devait vérifier de possibles faits de «corruption» et de «prise illégale d'intérêt».

Dans sa déclaration à l'AFP le 3 février au soir, le ministre du Travail assure que le PNF «a fait son travail et procédé à une enquête et de multiples investigations qui ont fait émerger cinq griefs possibles». «Mes expressions orales et écrites ont largement convaincu le parquet», qui «considère que quatre sur cinq de ces griefs n'ont aucune consistance et les a classés sans suite», a garanti le ministre. «Aucune corruption ne m'est donc reprochée», ajoute-t-il.

Ces deux lithographies avaient été offertes par un dirigeant local de la Saur, alors qu'un contrat était sur le point d'être conclu entre la ville d'Annonay et cette entreprise. Le contrat, négocié depuis 2016, a été formellement signé six mois plus tard, le 1er juin 2017.

Olivier Dussopt avait alors expliqué n'avoir pas déclaré ces lithographies à la déontologue de l'Assemblée nationale – comme cela est requis pour tout cadeau de plus de 150 euros – car il «ignorait la valeur» des deux lithographies. Il les avait ensuite restituées.

Cette affaire survient alors que le ministre du Travail est confronté à une vive contestation sociale sur le recul de l'âge légal de départ, de 62 à 64 ans. Le projet de loi sera examiné à partir du 6 février à l'Assemblée nationale, avec Olivier Dussopt en première ligne au nom du gouvernement. Les députés ont jusqu'au 17 février pour examiner quelque 20 000 amendements.