Le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler, mis en examen pour «prise illégale d'intérêt» en septembre dernier, est soupçonné d'avoir «participé» en tant que haut fonctionnaire, entre 2009 et 2016, à des décisions relatives à l'armateur MSC, lié à sa famille, selon des éléments de son interrogatoire révélés ce 29 novembre.
D'après ces éléments, les magistrats instructeurs lui reprochent d’avoir «participé», entre 2009 et 2012, en tant qu'administrateur à huit délibérations des instances dirigeantes de STX France (aujourd’hui Chantiers de l’Atlantique) et du Grand port maritime du Havre (GPMH), tous deux liés à MSC.
Ils soulignent ensuite qu'entre 2012 et 2016 à Bercy, aux cabinets de Pierre Moscovici puis d'Emmanuel Macron, il a notamment «persisté [...] à émettre des avis ou donner des orientations stratégiques ayant trait» à des dossiers impliquant MSC. Or, la mère d’Alexis Kohler est cousine de Rafaëla Aponte, épouse du fondateur du groupe Gianluigi Aponte, un lien familial «simple» mais au «5e degré», «éloigné», s’est défendu l’intéressé devant les juges.
Le numéro 2 de l'Elysée en examen pour «prise illégale d'intérêt» et «trafic d’influence passif»
L'affaire est née après la parution d'articles de Mediapart en mai 2018. Une information judiciaire a été ouverte en juin 2020. A ce jour, il y a eu au moins 50 auditions et dix perquisitions.
Devant les magistrats, le secrétaire général de l’Elysée a assuré d’emblée n’avoir «jamais considéré être en situation de conflit d’intérêts». Mais de manière paradoxale, il a martelé avoir tout fait, «dès novembre 2008», pour se trouver loin du dossier MSC.
Il explique n’avoir participé à aucune décision concernant le groupe, à l’époque STX-GPMH ; avoir averti sa hiérarchie de ses liens familiaux ; avoir demandé à quitter son mandat d’administrateur de STX ; enfin, avoir exprimé dans ses votes en conseil d’administration la position de l’Etat plutôt que la sienne.
Lorsqu'il était à Bercy, Alexis Kohler assure avoir organisé un déport du dossier MSC «informel», avec Pierre Moscovici (2012-2014) puis via «une lettre» avec Emmanuel Macron (2014-2016). Les magistrats indiquent n’avoir retrouvé «aucun écrit ou note de l’Agence des participations de l’Etat, du Trésor ou du ministère faisant état du lien familial avec la famille Aponte» ou organisant cette mise à l’écart du dossier MSC entre 2010 et 2016.
A l’issue des 15 heures d’interrogatoire, Alexis Kohler concède un «débat sur [son] degré de formalisme» pour avertir de son déport des dossiers MSC, mais se dit cependant «choqué et indigné» de la «mise en cause» de son «intégrité». Il est mis en examen pour «prise illégale d'intérêt», et témoin assisté pour «trafic d’influence passif».
Sollicités ce 29 novembre par l’AFP, son avocat n'a pas souhaité réagir alors que l'Elysée a affirmé «ne pas pouvoir commenter une enquête en cours». «On peut se féliciter que la justice avance et fasse son travail, même s'il est dommage que cela prenne autant de temps», a répondu de son côté l'avocat d'Anticor, Maître Jean-Baptiste Soufron.