Dans un contexte où le taux d'inflation des produits alimentaires s'est approché des 12% sur un an en octobre, selon l'Insee, Bruno Le Maire a déclaré le 5 novembre auprès du Parisien qu'«il n'y a pas eu de profiteurs de l'inflation dans l'alimentaire».
Le président du comité stratégique des centres E. Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, avait constaté le 30 juin sur BFM TV que «la moitié des hausses de prix» demandées par les industriels de l'agro-alimentaire n'étaient «pas transparentes et [étaient] suspectes». Il avait appelé l'Assemblée nationale à se pencher sur le sujet avec l'ouverture d'une commission d'enquête.
Interrogé sur ce constat établi par le patron de l'un des géants de la distribution, le ministre de l'Economie a fait savoir au quotidien qu'il a «demandé à l'Inspection générale des finances (IGF) de faire une étude». «La conclusion est sans appel : il n'y a pas eu de profiteurs de l'inflation dans l'alimentaire. Ni les agriculteurs ni les distributeurs, ni l'industrie agroalimentaire n'ont pris au passage de rémunération excessive», a ajouté à ce sujet le patron de Bercy.
Ce que je ne nomme pas, je ne le vois pas, donc ça n'existe pas. Résultat : tout va bien !
Consulté le 5 novembre par l'AFP, le rapport de l'IGF relève qu'«au total, la hausse des prix des produits alimentaires résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : guerre en Ukraine, reprise post-Covid, réchauffement climatique, crise sanitaire animale et divers facteurs de nature économique [compétitivité de l’économie, pénurie de main-d’œuvre…]».
Sans surprise, ce constat est loin d'être partagé au sein de l'opposition. Ironique, le sénateur communiste (PCF) Fabien Gay interprète ainsi le propos de Bruno Le Maire : «Pas de profiteurs. Pas de superprofits. Pas de crise. Ce que je ne nomme pas, je ne le vois pas, donc ça n'existe pas. Résultat : tout va bien !»
L'ancien cadre du Parti socialiste et fondateur de la Gauche démocratique et sociale, Gérard Filoche, estime que Bruno Le Maire a «un sacré culot». «Tout le monde sait et pense le contraire, les pénuries organisées pour justifier les manipulations de prix, nous sommes des millions à les constater. Mais Bruno Le Maire va à l'essentiel, le cœur du mensonge, la langue du menteur professionnel», dénonce-t-il.
La fédération 81 (Tarn) de la FSU-Snuipp (syndicat du personnel de l'Education nationale) considère que Bruno Le Maire verse dans la «fake news» : «Allô "l'Agence nationale de lutte contre les manipulations de l’information" ? Je crois qu'on a affaire à un complotiste qui propage de dangereuses fake news !»
De son côté, la députée de La France insoumise, Aurélie Trouvé, a souhaité apporter un correctif sur un point développé par l'AFP. L'agence de presse souligne que son rapport rendu au cours du mois de juillet et réalisé avec le député Xavier Albertini (Horizons), n'avait pas davantage permis de déceler «des comportements abusifs systémiques de la part des industriels ou des distributeurs».
Hors selon elle, le rapport «concluait qu'en juillet, [qu'ils ne possédaient] pas assez de données pour identifier des abus systémiques de la part des industriels ou de la grande distribution. Mais que les enquêtes devaient se poursuivre».
«Il préconisait aussi d'associer les parlementaires à la mission de l'IGF, je l'ai demandé, sans jamais recevoir de réponse de Bruno Le Maire. Mais deux parlementaires de la majorité ont été choisis en toute opacité. Pour produire un rapport semble-t-il confidentiel», a-t-elle dénoncé au passage.
Alors que le pouvoir d'achat demeure l'une des préoccupations majeures des Français, Bruno Le Maire a proposé dans son interview d'organiser début 2023 une «convention sur le partage de la valeur» au sein du parti Renaissance, et rejeté dans la foulée une grande conférence salariale réclamée par plusieurs formations de l'opposition.