24 pages qui «transpirent la détestation d'Israël», selon le socialiste Jérôme Guedj, qui a vivement réagi à un projet de résolution cosigné par 38 députés issus des quatre groupes de gauche à l'Assemblée. Déposé le 13 juillet à l'initiative du communiste Jean-Paul Lecoq, le texte, soutenu entre autres par Fabien Roussel et Adrien Quatennens, a pour objectif d'interpeller l'exécutif afin qu'il condamne «l'institutionnalisation par Israël d'un régime d'apartheid à l'encontre du peuple palestinien».
Selon les signataires, qui citent à la fois des résolutions de l'ONU et des enquêtes et rapports d'ONG telles que Humans Rights Watch ou Amnesty International, ainsi que des organisations israéliennes critiques de leur gouvernement (dont B’Tselem), «tous les critères pour qualifier le régime d'apartheid mis en place par l'Etat d'Israël sont réunis», puisque ce dernier a mis en place un «système d’oppression et de discrimination systématique [...] dans l’intention de maintenir la domination d’un groupe ethnique‑national‑racial sur un autre». La France devrait donc condamner fermement cette situation, reconnaître «l'Etat de Palestine» et enfin reconnaître la légalité de l’appel au boycott des produits israéliens.
Cet appel à une condamnation radicale de l'action de l'Etat hébreu a fait réagir le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Francis Kalifat, qui a dénoncé une «résolution haineuse de l’extrême-gauche contre Israël», susceptible d'importer le conflit israélo-palestinien en France, «avec les conséquences que l’on connaît pour les Français juifs». Par leur texte, les élus de gauche signataires s'aligneraient sur un «nouvel antisémitisme» en méconnaissant la définition de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA pour l'acronyme en anglais), qui cite comme exemple d'antisémitisme «le traitement inégalitaire de l’Etat d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre Etat démocratique». Le Crif avait d'ailleurs publié un communiqué dénonçant le texte le 21 juillet, y voyant «le reflet d'un antisémitisme qui s'affuble du masque de l'antisionisme».
La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a quant à elle fustigé un texte «scandaleux et mensonger», s'insurgeant contre le fait qu'un groupe de députés «ose qualifier un peuple de "groupe racial"» et refusant de laisser «s'exprimer cet antisémitisme obsessionnel d'une certaine "gauche", qui déshonore la République et cherche à enflammer l'opinion».
Pour Jérôme Guedj, pourtant élu sous l'étiquette de la Nupes, ses collègues parlementaires ont abordé la question du conflit israélo-palestinien de «la pire manière» possible avec ce projet de résolution. S'il juge la contestation de la politique des autorités israéliennes légitime, il refuse les deux propositions consistant à reconnaître un régime d'apartheid et à valider les campagnes de boycott des produits israéliens. «Sans moi», a-t-il commenté en se désolidarisant d'une initiative qui n'aurait «jamais [été] évoquée ni à fortiori décidée» dans l'intergroupe de la Nupes.
Le même Jérôme Guedj avait d'ailleurs déjà réagi, le week-end précédent, au tweet controversé de Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale à propos de la rafle du Vel d'Hiv, évoquant «des équivalences hasardeuses et injurieuses».
«Tissu de mensonges», «haine d'Israël» : la majorité et la droite condamnent le texte
Sa prise de distance par rapport au texte a été notée par certains membres de la majorité, qui en ont profité pour souligner les contradictions au sein de la Nupes. «Le problème, c’est que ce n’est pas anecdotique dans l’action politique de vos alliés et partenaires. C’est même central», lui a lancé le député macroniste de Paris Benjamin Haddad. L'eurodéputée Ilana Cicurel a quant à elle qualifié la résolution de «tissu de mensonges» sur LCI, évoquant une «approche totalement idéologique» de la gauche.
Plusieurs personnalités politiques de droite sont allées plus loin dans la dénonciation de l'initiative des élus de gauche. «La nausée», a commenté le président Les Républicains des Hauts-de-France Xavier Bertrand, jugeant qu'il était «indigne et irresponsable» d'appeler «à la haine d’Israël dans le contexte actuel de résurgence de l’antisémitisme», tout en appelant les présidents des groupes parlementaires de gauche à condamner la démarche.
«Leur résolution sur Israël prouve un antisémitisme latent», a estimé pour sa part Louis Aliot, maire Rassemblement national de Perpignan, y voyant une nouvelle manifestation des «obsessions idéologiques dangereuses» d'une «extrême-gauche sectaire et rétrograde».
Pour le président d'honneur de Reconquête!, Gilbert Collard, le projet de résolution d'une partie de la Nupes est tout simplement «détestable» et «pue la haine d'Israël», sans servir à faire avancer l'idée de paix. «Minable», a-t-il tancé.
Pour être débattu dans l'hémicycle, il faudrait le projet de résolution soit inscrit à l'ordre du jour par le groupe communiste, à l'occasion d'une journée réservée à l'examen de ses textes.