La vente des activités énergie d'Alstom au groupe américain General Electric il y a quatre ans pour 12 milliards de dollars continue à déchaîner passions et suspicions. Le 4 avril, Patrick Kron, l'ancien PDG de «la pépite française», a été entendu par la commission d’enquête parlementaire examinant les décisions de l’Etat relative à la politique industrielle, sans convaincre. Et ce n'est pas un hasard. Selon l'économiste Hervé Juvin reçu sur le plateau du journal télévisé d'RT France, «Alstom a probablement eu effectivement recours à la corruption».
L'économiste précise cependant qu'il ne s'agit pas du cœur du problème. Selon lui, la vente d'Alstom, ce fleuron industriel français, était justifiée par sa sous-capitalisation, mais ce projet a été contrarié par des jeux de stratégies géopolitiques et par l'Advocacy Center, le puissant organisme chargé de défendre implacablement les intérêts des entreprises américaines dans le domaine de la libre concurrence. Alstom aurait pu faire alliance avec le groupe industriel chinois Shanghai Energy, et devenir une co-entreprise leader au niveau mondial, notamment dans le domaine des moteurs à propulsion nucléaire. Selon Hervé Juvin, la géopolitique s'en est mêlée : «Est-ce que les Etats-Unis auraient admis que des brevets français exceptionnels soient apportés à un futur géant mondial chinois ?».
Selon l'expert, c'est alors que «la machine de guerre américaine» s'en est mêlée, pour préserver ses intérêts industriels, qui mobilise alors toutes ses ressources juridiques pour enserrer l'industriel français. «Une offre supérieure de la part de Siemens est faite, mais c’est l’offre General Electric qui est accepté, dans des conditions de pression forte, de soft terrorisme», estime l'économiste, qui rappelle la dangerosité de la loi anti-corruption américaine dans les affaires de ce type.
Hervé Juvin évoque les temps forts de cet achat controversé et rocambolesque. «Un des dirigeants d’Alstom est mis en prison dans un quartier de haute sécurité, au secret pendant des mois, qu’est ce qui justifie un tel traitement pour un cadre dirigeant ?», interroge-t-il. Le gouvernement français a-t-il laissé tomber Alstom ? Il «n’a probablement pas vu qu’il ne s’agissait pas d’un sujet traité par des banquiers d'affaires dans un cadre de concurrence mais d’une affaire de géopolitique», estime l'économiste.