RT : Comment envisagez-vous les efforts d'unification de l'armée libyenne ?
Mohamed Siala (M. S.) : Nous apprécions hautement ces efforts, et espérons vraiment qu'ils conduiront à l'unification de l'institution qu’est l'armée. Nous recherchons cela pour une raison très simple : sans l'armée, il est impossible de préserver et de protéger l'Etat. L'Etat a besoin d'une armée forte et unifiée, avec une doctrine nationale, sans appartenance tribale ou idéologique. La doctrine d'une telle armée devrait être fondée sur la protection de la patrie. Par conséquent, nous avons besoin d'efforts réels et sincères visant à unir l'armée.
Cela nous rapproche d'un accord politique. Quand il y a une structure militaire qui assure la sécurité, cela a un impact significatif sur la sécurité dans le pays. Et la sécurité est le pilier principal de toute activité politique.
RT : La communauté internationale est très préoccupée par les violations des droits de l'homme en Libye, en particulier par le commerce d’êtres humains… Selon vous, le scandale suscité par la traite d’êtres humains ouvre-t-elle la porte à une intervention étrangère en Libye ?
M. S. : Ce sont les gangs internationaux qui portent la responsabilité de l’intensification de l'immigration clandestine, du trafic de drogue et du crime organisé. Il y a deux raisons à cela : la première tient en la grande longueur des frontières libyennes, qui s'étendent sur 4 000 km sur le contient et 2 000 km en mer. La deuxième raison réside dans le vide apparu dans la sphère de la sécurité. Cela a conduit à l'aggravation de la situation et à l'émergence de gangs puissants dans les domaines du crime organisé et de la migration illégale.
En ce qui concerne les récentes rumeurs sur la traite d’êtres humains en Libye, je tiens à souligner que la culture islamique et la législation libyenne n'autorisent pas la traite des individus. En Libye, la traite d’êtres humains est considérée comme un crime. Par conséquent, le Conseil présidentiel a ordonné l’ouverture d’une enquête sur cette question. Le procureur général mène cette enquête, et selon ses résultats, toute personne dont la culpabilité dans ces crimes sera prouvée recevra la punition appropriée et fera face à de sévères mesures. Les résultats de cette enquête seront annoncés avec une transparence absolue et présentés à la communauté internationale.
RT : Certains pensent qu'il existe une concurrence entre les intérêts occidentaux en Libye, notamment entre Paris et Rome. Etes-vous d'accord avec ce point de vue ? Comment cela influence-t-il les efforts de résolution de la crise ?
M. S. : Je pense que cela peut s’expliquer, car tous les pays ont leurs propres objectifs et intérêts. Nous ne nous y opposons pas mais sommes en faveur d'un accord sur ces intérêts. Nous voulons faire en sorte que les intérêts soient partagés et respectés. Tous les pays agissent en fonction de leurs intérêts et ils ont droit de rivaliser pour atteindre leurs objectifs. La tâche de la Libye est d'empêcher l'établissement de tout contrôle extérieur sur le pays, d’empêcher l'ingérence dans ses affaires intérieures et d’agir en fonction d’intérêts généraux et équilibrés répondant aux objectifs de tous les pays.
RT : Le président Fayez el-Sarraj s'est récemment rendu à Washington et vous faisiez partie de la délégation. Quel rôle peut jouer Washington en Libye lors de l’étape suivante ?
M. S. : Il est impossible d'ignorer le rôle des Etats-Unis, car c'est une grande puissance, un pays qui a droit de veto au Conseil de sécurité [de l’ONU]. Ils ont beaucoup aidé la Libye, en particulier pour défaire Daesh à Syrte. Notre visite visait à conclure des accords dans les domaines politique, sécuritaire et économique. Les Etats-Unis jouent un rôle central dans la découverte de gisements de pétrole et de gaz en Libye. Les entreprises américaines jouent un rôle majeur dans l'économie du pays. Par conséquent, lors de notre visite, nous avons parlé avec des hommes d'affaires, des politiciens, des chefs d'agences de sécurité et des représentants de divers secteurs d’activité aux Etats-Unis.
Nous avons réussi à atteindre un certain nombre d'accords. Nous avons reçu un bon accueil. La rencontre avec le président a été un succès. Nous avons également eu des réunions avec le secrétaire à la Défense et le secrétaire du Département d’Etat. Par conséquent, nous voyons cette visite comme un succès. Il y a eu un échange de vues approfondi, qui a permis de parvenir à une compréhension mutuelle plus importante et plus profonde concernant la question libyenne.