Economie

La Cour des comptes remet en cause les prévisions budgétaires du gouvernement

La Cour des comptes doute que le gouvernement tienne sa prévision de déficit public de 5% pour 2022. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est également sceptique face aux prévisions de croissance (+2,5%) et d'inflation (+5,8%).

Confirmée dans le projet de budget rectificatif (PLFR) que le gouvernement a présenté dans l’après-midi du 7 juillet, la cible de 5% de déficit public repose sur de «multiples incertitudes [liées à] la situation sanitaire et géopolitique», selon la Cour des comptes qui exprime ses doutes dans son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Au-delà des conséquences de la guerre en Ukraine et de l'évolution de la pandémie sur les finances publiques, difficiles à quantifier, la Cour s'alarme de l'impact financier du Projet de loi de finances rectificatif (PLFR), qui contient une vingtaine de milliards de nouvelles dépenses.

Selon les sages de la rue Cambon, les mesures prévues pour soutenir le pouvoir d'achat, auxquelles s'ajoute le plan de résilience annoncé mi-mars, «vont venir détériorer le déficit 2022 par rapport au scénario de la LFI [loi de finances initiale]».

Selon le PLFR que la Cour cite dans son rapport, les dépenses publiques devraient gonfler de près de 60 milliards d'euros par rapport à celles qui sont envisagées dans la LFI. Ce surcoût est attribuable en premier lieu à la forte inflation (+5,8% sur un an en juin selon l'Insee) qui devrait alourdir de près de 18 milliards la charge de la dette de l'Etat.

Nous ne pouvons pas vivre dans l'illusion d'une dette gratuite

«Pour moi, c'est sans doute le principal point de préoccupation», s'est inquiété le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse le 7 juillet. «Nous ne pouvons pas vivre dans l'illusion d'une dette gratuite», a-t-il ajouté.

«Notre ligne restera celle du rétablissement des finances publiques», lui a répondu le ministre de l'Economie Bruno Le Maire dans l'après-midi, à la sortie du Conseil des ministres. Du côté du ministère des Comptes publics, on affirme que les 60 milliards de hausse des dépenses «incluent l'ensemble des mesures inflation/énergie prises depuis la LFI, la hausse de la charge de la dette mais aussi les actualisations de prévisions de dépenses des administrations publiques et de sécurité sociale».

Actée dans le PLFR, la prolongation jusqu'à fin septembre de la remise de 15 à 18 centimes sur le prix du litre de carburant, et la création d'une «indemnité carburant travailleur», engendrent des dépenses supplémentaires de 4,6 milliards d'euros, pour un coût total sur l'année de 7,6 milliards d'euros. La facture de l'aide aux entreprises grandes consommatrices de gaz et d'électricité devrait elle doubler pour grimper à 3 milliards sur l'année 2022.

Prévisions optimistes

Heureusement pour les finances publiques, les recettes devraient augmenter presque autant que les dépenses, avec une hausse attendue de 57 milliards d'euros par rapport à la LFI. Ainsi, selon la Cour des comptes, les augmentations salariales consenties par les entreprises pour amortir l'inflation devraient représenter «environ 8 milliards d'euros de recettes supplémentaires en cotisations sociales, prélèvements sociaux et impôt sur le revenu».

C’est du côté des prévisions de croissance et d’inflation avancées par le gouvernement que viennent les doutes. Ainsi le Haut Conseil des finances publiques [HCFP], estime dans un avis publié sur son site que «la prévision de croissance pour 2022 du Gouvernement n’est pas hors d’atteinte mais est un peu élevée [tandis que] l’inflation prévue pour 2022 paraît à l’inverse un peu sous-estimée».

Avec une dette publique de 112,5% du PIB et un déficit de 6,4% fin 2021, les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement sont contraintes. Aussi, dans son rapport, la Cour des comptes redoute qu’avec l'explosion du déficit et de la dette, la soutenabilité des finances publiques «devien[ne] plus que jamais une exigence sans laquelle le pays s'exposerait à des risques grandissants pouvant menacer sa souveraineté».