Economie

Covid : quels sont les impacts de la précarité chez les Français ?

Selon une étude conjointe de l’Ifop, de la Fondation Jean-Jaurès et de l’Agence du don en nature, réalisée sur 2 000 personnes, la crise sanitaire a accru une sensation «d'insécurité matérielle» chez les Français.

Le Covid n'a pas seulement entamé le portefeuille des Français et leur moral. La crise sanitaire a également accru une sensation «d'insécurité matérielle» chez nos concitoyens. Les résultats d’une étude conjointe de l’Ifop, de la Fondation Jean-Jaurès et de l’Agence du don en nature, réalisée sur 2 000 personnes, viennent de sortir. L’objet de l’étude était la précarité matérielle. Les auteurs concluent que les personnes les plus modestes ne souffrent pas que de pauvreté mais aussi de se sentir à part, déclassés. Ceci génère chez eux des sentiments de frustration, d’injustice et de colère ou de résignation, selon les cas.

Considérons le contexte de l’étude. Elle vise à comprendre les impacts de la précarité des Français. Et en cette période de crise sanitaire, la fragilité est encore plus manifeste. En effet 36% des Français ont vu leur situation financière se dégrader «depuis le début de la crise du corona-
virus».

Ces résultats sont à rapprocher de ceux d’une étude de l’Insee, faisant valoir que près d’un Français sur cinq se trouve en situation de privation matérielle et sociale. Et ce malgré les nombreuses aides et prêts proposés par le gouvernement aux entreprises, qui n'ont pas suffi à consolider la situation de tous. Les plus touchés : les jeunes, les travailleurs précaires, comme les auto-entrepreneurs, les intérimaires et les ménages modestes.

Leurs soucis financiers entrainent un changement de leurs habitudes de consommation. Ils ont davantage recours au hard discount, attendant les promotions sur les produits qu'ils convoitent. Et surtout, ils se privent de produits non alimentaires essentiels, jusque 4 fois par mois. Comme par exemple des objets numériques, ordinateurs, téléphones, ou encore vêtements... Alors que ces objets leur seraient utiles pour chercher un emploi ou tout simplement travailler. Ils sont dans une
«logique de renoncement», d’«auto privation». Et cette austérité laisse des traces. En plus de les handicaper, elles génère chez eux un senti ment d’éviction sociale.

Ces personnes en difficulté n’ont pas recours au troc, au prêt ou à l’achat de seconde main qui pourrait mettre fin à une partie des soucis liés au manque de produits. Car ils ont envie d’acheter neuf pour se sentir comme tout le monde. Cela finalement vient bien en écho avec les demandes initiales des Gilets jaunes, qui plaidaient pour conserver leur pouvoir d’achat. D’ailleurs un segment de l’étude examine leur rapport à l‘achat de produits neufs.

Les Gilets jaunes interrogés expliquent qu’un objet neuf peut représenter pour eux une consommation similaire à celle de la majorité des ménages français, et la possibilité de pouvoir consommer dignement. Ces pourcentages sont bien plus élevés que pour l’ensemble de la population.

Mais d’ailleurs, quels sont les impacts générés par cette frustration, ce sentiment d'être à la marge, d'être laissé sur le bord de la route ? Se traduit-elle dans un engagement politique, militant ou syndical ? Pas nécessairement, puisqu’ils ne sont que 21% à s’être engagés dans un mouvement. En revanche, l'étude note que les Français interrogés se sentent Gilet jaunes à 16% ou les soutiennent à 43%. Et que les Gilets jaunes eux-mêmes vivent des sentiments de frustration, d’injustice et de colère bien plus marqués que dans la population générale. Les auteurs statuent que «lutter contre la précarité matérielle, ce n’est pas simplement fournir des produits de première nécessité, c’est préserver ou redonner une place dans la société.» Des conclusions de bon sens. Mais qui n’ont pas jusque-là trouvé beaucoup d’écho, si l’on en juge par les décisions prises par le gouvernement pour restaurer dans leur dignité les Gilets jaunes ou assimilés.