«A partir du 1er octobre, entrera en vigueur le bolivar digital lors de l'application d'une nouvelle échelle monétaire qui supprime six zéros à la monnaie nationale», a annoncé la Banque centrale du Venezuela dans un communiqué daté du 5 août. Le jour même, le président de la Banque centrale du Venezuela (BCV), Calixto Ortega Sanchez, assisté du conseil d’administration de l’institution, a présenté cette réforme monétaire aux représentants des banques publiques et privées, des associations bancaires et de plusieurs ministères dont celui de l’Economie et des Finances, et celui de l'Economie numérique.
A cette occasion, il a avancé que le bolivar numérique faciliterait les transactions quotidiennes et permettrait de «connecter la population avec son signe monétaire [ainsi que de] rationaliser les processus commerciaux et comptables». La décision est en outre censée garantir la souveraineté du Venezuela «pour promouvoir la reprise économique face aux attaques constantes contre [sa] monnaie».
En 13 ans, le bolivar aura perdu 14 zéros, signe des dévaluations à répétition qui se sont imposées aux gouvernements successifs. L'ancien président Hugo Chavez (1999-2013) en avait supprimé trois en 2008. Son successeur et actuel président, Nicolas Maduro, a fait de même en août 2018 en supprimant cinq zéros supplémentaires.
La plupart des transactions se font en dollars des Etats-Unis, une monnaie refuge dans ce pays qui connaît depuis plusieurs années une hyperinflation. L’augmentation des prix libellés en bolivars a dépassé 250% entre janvier et mai, après avoir atteint 400 000% en 2018, près de 10 000% en 2019 et 3 000% en 2020.
Le pays va imprimer de nouveaux billets pour accompagner la mesure alors que ceux-ci ont presque disparu de la circulation dans le pays. La plupart des échanges qui ne se font pas en dollars sont réalisés via support numérique (paiements par carte, virement ou transfert bancaire).
Chute du PIB de 80% depuis 2013
Jadis riche pays pétrolier, le Venezuela a vu son PIB chuter de 80% depuis 2013 et 65% des ménages vivent dans la pauvreté. Le gouvernement invoque régulièrement les sanctions internationales imposées depuis 2019, notamment par les Etats-Unis, pour tenter d'évincer le président Maduro du pouvoir, même si la crise est plus ancienne.
«A notre avis, il s'agit d'une décision nécessaire, car elle facilitera les processus comptables et de facturation des entreprises qui étaient déjà pratiquement ingérables d'un point de vue pratique», a commenté sur le site de la banque vénézuélienne Banca y Negocios l’économiste et président du cabinet de conseil César Aristimuno.
Il doute toutefois de la portée de cette mesure et argumente : «Cette restructuration monétaire n'affectera en rien la dynamique des prix en dollars, qui n'ont rien à voir avec celle que suivent les prix en bolivars […] Il est évident que l'inflation ne va pas baisser ; en effet, si les mêmes conditions économiques actuelles sont maintenues, la dynamique des prix continuera d'être à la hausse.»
«Plus de zéros, moins de zéros, c'est du pareil au même», soupire pour sa part Marisela Lopez, 34 ans, vendeuse de légumes dans un quartier populaire de l’ouest de Caracas, interviewée à l’occasion d’un micro-trottoir réalisé par l’AFP. «On a tiré de nouveaux billets, et encore des billets. Maintenant, on les voit par terre, on les brûle, on ne sait plus quoi en faire!», se lamente la même source.