Economie

Au Royaume-Uni, le «pingdemic» menace l’approvisionnement des supermarchés

Si l’on en croit la presse britannique, un phénomène causé par l’application officielle anti-Covid-19 désorganise l’approvisionnement des commerces, notamment alimentaires, en les privant de personnel. Le patronat demande des mesures d’exception.

«Le pingdemic désorganise l’approvisionnement alimentaire des supermarchés», titrait, en une de son édition du 22 juillet, le quotidien populaire britannique The Daily Telegraph. Dans cet article, le journal raconte que la veille, les principaux dirigeants de la grande distribution ont prévenu que les chaînes d’approvisionnement des supermarchés commençaient à faire défaut, le «pingdemic» envoyant en isolement des milliers de travailleurs de la distribution et de la logistique.

«Pingdemic», formé du mot «ping» – dans le cas présent une notification –  et du suffixe «demic», désigne la vague de mesures d’auto-isolement de dix jours demandées aux personnes ayant été en contact avec le virus. Ces dernières sont averties via une notification de l’application officielle des services de santé britannique NHS COVid-19, ou par d’autres canaux. Selon la BBC plus de 600 000 personnes ont été invitées à s’isoler la semaine dernière, contre 520 000 la semaine précédente.

L’article du Daily Telegraph évoque aussi des ruptures de services dans les réseaux de stations-service, les services postaux et surtout la grande distribution, principalement à cause de l’absence de caristes, une profession déjà en tension. Le journal parle même de «rayons vides de pain, de viande, de fruits et légumes, dans certains endroits de Bristol, Cambridge et Southampton [sud de l’Angleterre]».

Le Daily Telegraph n’est pas seul à s’intéresser au sujet. Son rival The Sun imprimait le même jour à la une en lettres énormes «Les pings prennent la fuite» (un calembour reposant sur la proximité du mot «ping» avec le mot «pig», qui signifie cochon) sur fond de rayons de supermarchés vides. L’autre grand quotidien populaire ajoutait en sous-titre «Les magasins préviennent : point de rupture dans 48h». Le Daily mail, autre quotidien britannique à grand tirage, y allait de son «bilan choquant du pingdemic mis à nu». Exagération d'une presse populaire en mal de sensations ? Apparemment non, puisque le très sérieux Times annonçait, le même jour, également en une : «Crainte de pénuries alors que le "pingdemic" frappe les commerces».

Excuses publiques

L'article du Times rapportait les excuses publiques de dirigeants de la distribution pour les «étals vides». C’est notamment le cas du groupe Sainsbury’s qui a prévenu dans un communiqué de presse, relayé notamment par Reuters, le 22 juillet, que les clients risquaient de ne pas trouver «le produit exact» qu’ils cherchaient. «Là où on va souffrir, c'est dans la chaîne d'approvisionnement, car la logistique travaille déjà en flux tendus pour être efficace», a pour sa part prédit le patron de la chaîne de magasins Marks & Spencer, après avoir annoncé des réductions des heures d’ouverture, également dans un communiqué cité par les agences.

Peu de secteurs semblent épargnés. Ainsi la plus grande compagnie ferroviaire privée, Govia Thameslink, a annoncé l’annulation de certains trajets à Londres et dans le sud de l’Angleterre. Quant à la chaîne de pubs Greene King, elle a dû fermer temporairement 33 de ses établissements. De quoi assombrir le souvenir récent du «freedom day», c’est-à-dire la levée ultime de toutes les restrictions sanitaires en Angleterre (certaines restent maintenues en Ecosse et au Pays de Galles), avec notamment la réouverture des discothèques, décrétée par Boris Johnson le 19 juillet.

Le patronat demande des mesures d'exception

Avec 50 000 nouveaux cas de contamination par jour et près de 100 000 annoncés pour les jours à venir, le secteur de la distribution appelle le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles. Le Daily Telegraph rapporte ainsi les propos d’un haut responsable du British Retail Consortium, une association professionnelle du commerce selon lequel : «Les travailleurs de la distribution et de la logistique qui ont joué un rôle vital au cours de cette pandémie devraient être autorisés à travailler s’ils ont reçu deux doses de vaccin ou peuvent présenter une attestation de test négatif au Covid-19, pour assurer la capacité du public à se fournir en alimentation et autre biens».

Mais la généralisation de l’application officielle de traçage du Covid-19, parmi d’autres moyens, et le respect rigoureux des périodes d’auto-isolement des cas contacts pour 10 jours, jusqu’au 16 août au moins, faisait justement partie des moyens de réussir le pari de Boris Johnson : lever toutes les restrictions sanitaires pour l’été malgré l’emballement très net des contaminations depuis la mi-juin.

Pour le moment, le gouvernement a décidé d’organiser d’ici la semaine prochaine des tests quotidiens dans environ 500 points de grande distribution afin que des employés ayant été «pingés» soient autorisés à travailler si le test se révèle négatif. «Alors que nous gérons ce virus et faisons tout notre possible pour briser les chaînes de transmission, les tests de contact quotidiens des travailleurs de ce secteur vital aideront à minimiser les perturbations causées par l'augmentation des cas dans les semaines à venir, tout en garantissant que les travailleurs ne sont pas mis en danger», a déclaré le secrétaire à la Santé, Sajid Javid.

Pays le plus endeuillé d’Europe par l’épidémie, le Royaume-Uni a vu le nombre de cas quotidiens de contamination passer de 2 000 au mois de mai à plus de 50 000 mi-juillet. Toutefois le nombre de décès quotidiens se maintient en moyenne à une cinquantaine, depuis le début du mois d’avril, après avoir souvent dépassé les 1500 au début de l’année.

Ivan Lapchine