A diverses occasions lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg qui s'est tenu du 2 au 5 juin, les autorités russes ont laissé entendre qu'elles chercheraient à réduire leurs échanges commerciaux en dollars, liquidant des actifs du fonds du bien-être national (FNB) libellés en dollars, ou encore optant pour d'autres monnaies nationales dans le cadre de ses échanges gaziers.
Le 4 juin, le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine a ainsi clairement indiqué que Moscou était «prêt à envisager la possibilité de règlements en monnaies nationales». «L'euro est tout à fait acceptable pour nous pour les paiements de gaz. Cela pourrait se faire et devrait probablement être fait», a-t-il déclaré lors d'une discussion par vidéoconférence avec le chancelier autrichien Sebastian Kurz au Forum économique de Saint-Pétersbourg.
«Les Etats-Unis utilisent le dollar, leur monnaie nationale, pour toutes sortes de sanctions»
Selon le chef d'Etat, cette éventualité est avant tout dictée par la nécessité, Moscou se retrouvant handicapé par le dollar, lorsqu'il est utilisé dans le cadre des sanctions. «Les Etats-Unis utilisent le dollar, leur monnaie nationale, pour toutes sortes de sanctions [...] Par exemple, nous ne pouvons pas régler les paiements en dollars avec nos partenaires dans le domaine de la coopération militaro-technique», a par exemple noté Vladimir Poutine, soulignant que Moscou devait adopter d'autres monnaies nationales pour régler ces échanges.
En l'état, le président russe n'a toutefois pas encore acté cette décision, affirmant que Moscou ne voulait pas s'engager dans cette voie.
Cette prise de position vient malgré tout renforcer une nouvelle ligne que dessine la Russie vis-à-vis du dollar puisque la veille, le ministre russe des Finances Anton Silouanov avait expliqué en marge du Forum économique : «Nous [le ministère des Finances], ainsi que la Banque centrale, avons pris la décision de réduire les investissements du Fonds du bien-être national dans les actifs en dollars. À l’heure actuelle, environ 35% des investissements du FNB ont été faits en dollars et autant en euros. Nous avons décidé de renoncer complètement aux actifs en dollars au profit de l’euro et de l’or. Le dollar [fera] 0%, l’euro 40%, le yuan 30%, l’or 20%, la livre et le yen 5%».
Là encore, la raison invoquée est la même à en croire le vice-Premier ministre Andreï Belooussov, qui avait expliqué qu'il s'agissait d'«une décision sensée», notamment liée «aux menaces de sanctions reçues des dirigeants américains».
La Chine installe lentement son renminbi comme monnaie de réserve alternative
Les Etats-Unis sont régulièrement critiqués pour leurs sanctions économiques contre des Etats ou des organismes privés qui utilisent le dollar dans leurs échanges, les juges américains considérant l'utilisation de la monnaie américaine comme un lien de rattachement direct au droit américain.
Cette extra-territorialité du droit américain liée à l'usage du dollar est d'autant plus discutable qu’il s’agit d’une monnaie incontournable dans les échanges internationaux. D'après un rapport de l'Institut français des relations internationales (IFRI) publié fin 2020, en 2019, 40,4% des paiements internationaux étaient réglés en dollars et 61,8% des réserves de change détenues par les différentes banques centrales étaient libellées en dollar américain, ce qui en fait la première monnaie d'échange et de réserve dans le monde.
Plusieurs pays appellent donc à se dessaisir progressivement du dollar afin que les Etats-Unis ne puissent plus abuser de cette position dominante. La Chine compte sur son renminbi (yuan), inclus dans le panier de devises du FMI depuis 2016, qui pourrait constituer, à terme, une monnaie de réserve alternative au dollar. Comme le rappelle La Tribune, la part de la monnaie chinoise pourrait s'établir entre 3% et 12% des réserves d'ici 2035.