Economie

La Cour des Comptes s’inquiète du sous-financement des gares par l’Etat

Selon la Cour des comptes, l’Etat n’assure pas ses obligations vis-à-vis des gares. Leur modèle de financement actuel, qui profite aux transporteurs dans un contexte d’ouverture à la concurrence, permet à peine d’en assurer l’entretien.

Dans son rapport sur les «gares ferroviaires de voyageurs» rendu public le 20 avril, la Cour des comptes s’inquiète d’un sous-financement des gares par l’Etat. Une situation rendue plus visible par leur rassemblement en 2010, pour la première fois de leur histoire, en une entité distincte nommée «Gares et Connexions».

La loi de juin 2018, connue sous le nom de «Pacte ferroviaire» a depuis transformé Gare et Connexions, devenue le 1er janvier 2020, une société anonyme, filiale de SNCF Réseau (détenu à 100% par l’Etat).

C’est surtout le mode de financement – «construit pour bénéficier aux transporteurs» selon les termes du rapport – qui est mis en cause par les sages de la rue Cambon. Il repose principalement sur deux types de ressources : celles dites «régulées» qui correspondent aux redevances versées par les transporteurs ferroviaires pour chaque départ de train (737 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019) et celles dites «non régulées», tirées principalement de l’attribution de concessions commerciales dans les gares (394 millions de chiffre d’affaires en 2019). Ces deux ressources sont complétées par des subventions des collectivités territoriales.

Mais la redevance facturée aux transporteurs en contrepartie de l’utilisation des gares et de leurs services, dont les modalités de calcul sont jugées «insuffisamment robustes et transparentes», varie fortement selon les régions, et les trois catégories de gares dans l’organisation actuelle : gares d’intérêt national, régional et local, en fonction du nombre de voyageurs accueillis chaque année. Ainsi, à Lyon Part-Dieu, la redevance par départ/train s’établissait en 2020 à 106,10 euros pour un train national, contre 197,94  euros à Meuse TGV.

Depuis 2014, les ressources tirées des concessions commerciales (411 millions d’euros en 2019), ont permis de financer un volume d’investissements en nette hausse. Mais selon les évaluations de la Cour des comptes, ces ressources semblent avoir atteint un palier. Or les besoins d’investissements dans les gares vont continuer à croître. En effet, Gares et Connexions s’est vu transférer, au 1er janvier 2020, la gestion des quais, des passerelles d’accès aux quais ainsi que des grandes halles de voyageurs.

Investissements considérables

Précédemment gérés par SNCF Réseau, ces actifs exigeront des investissements considérables pour être maintenus en bonne condition opérationnelle : leur transfert a ainsi plus que doublé les besoins d’investissements annuels de Gares et Connexions, qui prévoit d’investir plus de 1 milliard d’euros chaque année entre 2020 et 2024. Mais pour les sages, «le modèle actuel ne permettra pas de couvrir ces besoins de financement». Ils expliquent ainsi que «les transporteurs récupèrent en effet 50 % des bénéfices dégagés grâce aux activités non régulées (24 M€ reversés par Gares et Connexions en 2020), tandis que l’entreprise doit en absorber les déficits (66 M€ en 2020)».

Cette asymétrie limite structurellement la possibilité de dégager des ressources supplémentaires. De plus, les marges de manœuvre de l’entreprise en matière d’endettement sont faibles. La Cour des comptes recommande donc de supprimer le mécanisme de rétrocession bénéficiant aux transporteurs, et souligne qu’«il est nécessaire que l’Etat assume ses responsabilités de propriétaire», car Gares et Connexions n’est pas en mesure aujourd’hui de financer ses investissements.

Les subventions versées par les collectivités, tout particulièrement les régions, ne permettent aujourd’hui que d’assurer l’entretien minimal des bâtiments (maintien en condition opérationnelle et sécurisation du bâti) et de respecter ses obligations légales en matière de mise en accessibilité. Quant à l'Etat, les sages soulignent qu'il n'a versé en 2019 pour contribuer au financement des gares que 32,7 millions d'euros de subventions, une somme à comparer aux 326 millions d'euros versés par l'Etat fédéral allemand.

Enfin, le rapport pointe ce qui semble être une organisation défaillante, en soulignant que «les bases de données de Gares et Connexions présentent certaines incohérences qui ne permettent pas d’établir avec certitude le nombre de gares». Les juges en sont ainsi réduits à écrire que le réseau des gares françaises est composé «d’environ» 3 017 gares.