Estimant sur son site que «la dette, ses composantes et les enjeux qui s'attachent à la question de son financement, présentent une complexité qui impose à la représentation nationale qu'elle se saisisse pleinement du sujet», l’Assemblée nationale, a organisé dans la soirée du 22 mars un débat, à l'initiative des députés communistes, sur le thème «La dette publique : la payer ou l'annuler ?».
Face aux ministres de l’Economie Bruno Le Maire et des Comptes publics Olivier Dussopt, qui répètent depuis des mois que la dette devra être remboursée, Fabien Roussel (PCF), membre de la commission des Finances, a défendu l'idée d'une «annulation partielle de la dette Covid, celle détenue par la Banque centrale européenne».
«Vous nous dites qu'il faudra la payer cette dette, et avec des réformes dures, comme la réforme des retraites que vous préparez déjà. Vous préparez les Français à un énième discours sur la réduction des dépenses publiques», a fustigé Fabien Roussel, rappelant le montant des intérêts payés par l’Etat à ses créanciers en 2019 (40 milliards d’euros) et en 2020 (36 milliards d’euros). Il a été un peu plus tard rejoint dans cette analyse par le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, pour qui rembourser la dette, «c'est seulement un sujet pour imposer des politiques d'austérité».
Le député LREM Alexandre Holroyd a estimé de son côté que «la philosophie du débat proposé» se résumait à «s’endetter sans limite, pour dépenser sans contrainte, sans coût et sans conséquences» et s’est réjoui que les Français sachent «reconnaître une sornette quand ils en entendent une». Il a ensuite tenté un parallèle acrobatique entre la proposition d’annuler la dette détenue par la Banque centrale européenne et la spoliation des templiers par Philippe IV le Bel.
«Trop rigides ou dogmatiques»
Mais à mots couverts et sans remettre en cause les traités européens, le marcheur a aussi estimé que «les règles de l’Union européenne» – a priori celles des ratios d’endettement connus sous le nom de «critères de Maastricht» – ne devraient «pas être trop rigides ou dogmatiques », et s’adapter «aux réalités économiques différentes qui caractérisent les pays membres».
Marie-Christine Dalloz, des Républicains, s’est surtout alarmée que la France ait «rejoint le groupe des pays en situation de surendettement avec la Grèce, l’Italie, le Venezuela, l’Erythrée et le Soudan». Une liste à laquelle la députée de la seconde circonscription du Jura a omis d’ajouter le Japon, de loin le pays le plus endetté au monde relativement à son produit intérieur brut (260%).
Quant au représentant du Parti socialiste Jean-Louis Bricout, il a dénoncé «l’austérité» prônée, selon lui, par le rapport de l’ancien ministre de l’Economie sous Chirac Jean Arthuis, rendu début mars au nom de la Commission pour l’avenir des finances publiques. Il a aussi estimé que «taillader dans les dépenses publiques» était «une idée dangereuse» et dressé, lui aussi, un parallèle avec la Grèce. Mais il s'agissait de souligner que les conditions qui lui avaient été imposées par la Troïka (BCE, Commission européenne et Fonds monétaire international) lors de la crise sur sa dette souveraine n’avaient pas permis de la désendetter, au contraire. A contrario, Agnès Thill, du groupe UDI et indépendants, reprenant les mots du rapport Arthuis, a estimé que l’annulation de la dette «serait une grave erreur».
La «crédibilité» de la France
Les opposants à la perspective d’une annulation de la dette détenue par la Banque centrale européenne ou, pour son compte, par les banques centrales des Etats membres, se recrutent au centre et à droite de l’échiquier politique. Leur principal argument est que cela n'est pas possible en l'état des traités européens. Ils jugent aussi qu’une telle décision «mettrait en cause la crédibilité» financière de la France, selon les mots du député Charles de Courson, qui a aussi jugé «excessif» le choix du gouvernement d'une stratégie du «quoi qu'il en coûte» durant la crise.
Un des principaux artisans de cette stratégie, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, a qualifié dans l’hémicycle les défenseurs de l'annulation de la dette d'«utopistes», jugeant qu'elle serait «dangereuse et inutile». Il propose de la rembourser, une fois la crise terminée, grâce au retour de la croissance (et donc de l’augmentation des recettes fiscales), à un effort sur les dépenses publiques et à des réformes, comme celle des retraites.
Enfin, Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, qui ne participait pas au débat à l’Assemblée, faute de groupe parlementaire, s’est exprimée elle aussi en faveur du remboursement de la dette sur France Inter dans la matinée du 23 mars, en déclarant : «Sans mépriser ceux qui souhaitent une annulation de la dette, je les appelle à la raison. Quand vous expliquez à vos créanciers que vous n'allez pas les rembourser, c'est assez difficile d'aller leur redemander éventuellement un prêt par derrière.»
Elle a toutefois exclu toute austérité budgétaire et de toucher aux retraites ou d'augmenter les impôts, en déclarant : «L'austérité budgétaire aggrave la dette.»