Relativement épargnée par les effets directs de la pandémie de Covid-19, avec 3 000 morts pour une population de plus de 44 millions d’habitants, l’économie algérienne a malgré tout subi un fort ralentissement en 2020, notamment à cause de l’effondrement des cours des hydrocarbures.
Après la très faible croissance de 2019 (+0,8%), le pays a connu l’an dernier une contraction de son économie de 4,7%, certes moins importante que chez ses voisins maghrébins comme le Maroc (-5,9%) et la Tunisie (-8,8%), sans parler de l’effondrement libyen (-60%).
Le taux de chômage qui avait légèrement baissé en 2019 devrait se situer pour 2020 aux environs de 14%. Le 15 février, le ministre du Travail a annoncé que 50 000 Algériens avaient perdu leur emploi l’an passé, principalement dans les secteurs automobile et de l’électroménager. Un chiffre qui semble peu important au regard d’une population active de près de 12,7 millions de personnes, et doit être relativisé par l’importance notoire du secteur informel en Algérie.
Le ministre s’est aussi particulièrement inquiété de la baisse des recrutements dans le secteur privé qui représente environ 80% du marché du travail dans le pays. Le secteur de la construction, qui dépend très largement d’une commande publique en baisse depuis plusieurs années, a pour sa part connu la fermeture de 4 500 entreprises, selon l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA).
Mais surtout, cité par les médias nationaux, le ministre algérien du Travail a regretté que «certains citoyens possédant des terres, des finances, de l’expérience ainsi qu’une volonté d’investir» soient confrontés à «certaines autorités administratives qui font la sourde oreille». Une phrase sibylline, qui résonne avec la vaste opération anti-corruption déclenchée en Algérie depuis le début du mouvement social Hirak, en février 2019, et qui, dans la foulée d’une purge au sommet de l’appareil d’Etat, a également déstabilisé l’industrie.
Toutefois, grâce à la remontée très nette des cours du pétrole en 2021, avec un cours du baril de Sahara blend, la référence algérienne, négocié actuellement à plus de 65 dollars, les perspectives sont favorables pour un pays dont les finances publiques dépendent autant de la rente pétrolière.
Sortir de la dépendance aux hydrocarbures
Ainsi, dans son dernier document de perspective économique, la Bande africaine de développement (BAD) prévoit pour l’Algérie, sous réserve d’un contrôle mondial de la pandémie, un rebond important de la croissance à 3,4 % du PIB en 2021, mais seulement 2,9% en 2022, contre 4% en moyenne pour l’Afrique du Nord.
L’institution africaine calcule qu’un retour à ces niveaux de croissance permettrait une réduction importante du déficit budgétaire global qui passerait à 10,3 % du PIB en 2021 et à 8,7 % en 2022. Mais, malgré une diminution à court terme des réserves de change et une dégradation de la situation budgétaire, l’Algérie court un risque modéré, avec une dette extérieure quasi nulle.
Cependant, selon l’institution panafricaine, «l’Algérie devrait approfondir les mesures pour élargir l’assiette fiscale, […] et mettre en place un programme visant à diversifier son économie en vue de limiter la dette publique interne. Dans le cas contraire, la forte dépendance de l’économie algérienne aux hydrocarbures continuera d’entraver ses perspectives de développement sur le moyen terme.»
Persistance de la contestation sociale
Un point de vue détaillé dans une note de conjoncture du département des études économiques de la banque LCL qui a retenu l’attention des médias en Algérie. On y lit que «compte tenu du Hirak, la situation sociale et politique n’est pas favorable à la mise en œuvre de mesures impopulaires qui demandent des sacrifices à la population. D’autant que le chômage devrait augmenter à 13,6% en 2020, en raison de la crise. C’est pourtant sur le front des réformes de structure que le gouvernement devra s’atteler pour améliorer significativement la compétitivité de l’économie hors pétrole, réduire l’économie informelle et créer un environnement favorable au développement de l’entreprise privée. Des conditions nécessaires à un développement économique plus équilibré.»
Or, le mouvement de contestation du Hirak a peu perdu de sa vigueur pendant la crise sanitaire, et la dissolution de la chambre basse du Parlement suivie de l’annonce d’élections législatives en juin pour son renouvellement n’a pas suffi semble-t-il à faire naître une concorde nécessaire à la diversification économique tant espérée du pays.
Ivan Lapchine