Economie

Le gouvernement relance sa réforme de l’assurance-chômage malgré l’épidémie et la crise

Mise de côté, comme la réforme des retraites, pour cause de priorité sanitaire et de crise économique, la réforme de l’assurance-chômage est relancée par le gouvernement. Elle suscite le rejet unanime des syndicats.

La ministre du Travail Elisabeth Borne a dévoilé ce 2 mars, lors d'une réunion en visioconférence avec les partenaires sociaux, les principales mesures de la réforme de l'assurance-chômage qui devrait entrer en vigueur dès juillet sous la forme d’un décret.

Elaborée en juillet 2019 par le gouvernement d’Edouard Philippe après l'échec de la négociation avec les syndicats et organisations patronales, cette réforme visait à réaliser de 1 à 1,3 milliard d'économies par an en durcissant les règles d'indemnisation. Elle prévoyait en outre d’imposer, pour le calcul des cotisations patronales, un «bonus-malus» aux entreprises qui ont trop souvent recours aux contrats courts.

La nouvelle mouture maintient, en l’aménageant, le principe d’une modification du calcul du salaire journalier de référence (SJR, base de l'allocation) et entrera en vigueur dès juillet, quand d’autres mesures bénéficient d’un calendrier plus étalé dans le temps. Jusqu’en 2017 ce SJR était calculé en divisant les salaires perçus par le seul nombre de jours travaillés (pendant la période précédant la demande d’indemnisation). Dorénavant les périodes chômées, dans une limite de 13 jours, seront incluses dans le calcul.

Selon des exemples donnés par le ministère du Travail et rapportés par l’AFP, une personne payée au Smic ayant travaillé huit mois sur les 24 derniers mois, aurait bénéficié d'une allocation de 985 euros pendant huit mois avec les règles antérieures à la réforme. Elle percevrait désormais 667 euros versée pendant 14 mois, et n’aurait perçu que 389 euros, mais versés 24 mois avec la version de la réforme imaginée en 2019.

Baisse d'au moins 20% des indemnités pour 840 000 allocataires

L'Unédic, organisme dirigé par les partenaires sociaux et qui gère l’indemnisation des demandeurs d’emploi, estime qu’avec ce nouveau mode de calcul, environ 840 000 personnes (38% des allocataires) auront une indemnisation inférieure de plus de 20% en moyenne à ce qu'elles touchent avec les règles actuelles, même si la mesure leur permet de toucher ces droits réduits plus longtemps.

En revanche, le passage de quatre à six mois d’activité au cours des 24 derniers mois pour ouvrir des droits a été ajourné et se fera selon une clause de «retour à meilleure fortune» appréciée sur six mois à partir du 1er avril : il faudra qu'il y ait à la fois une baisse du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A de 130 000 sur six mois et 2,7 millions embauches de plus d'un mois en cumul sur quatre mois.

Une mesure instaurant une baisse de 30% des indemnités des salariés de moins de 57 ans qui percevaient un salaire supérieur à 4 500 euros brut par mois – soit environ 3 500 euros net – a également été introduite. Dans le projet de 2019 cette mesure qui concerne surtout les cadres, alors que le nombre d’offres d’emploi les concernant s’est effondré, devait intervenir dès le septième mois. Dans la nouvelle mouture elle n’interviendra qu’à partir du neuvième mois, jusqu’au retour à la situation de «meilleure fortune».

Bonus-malus ...ma non troppo 

Enfin, la réforme crée un «bonus-malus » sur la cotisation d'assurance-chômage payée par les entreprises de plus de 11 salariés dans sept secteurs grands consommateurs de contrats précaires (hôtellerie-restauration, agroalimentaire, transports...). Pour ces entreprises, on calculera sur une année leur «taux de séparation», soit le nombre de fins de contrats – CDI, CDD ou intérim  – divisé par leur effectif. En fonction de la comparaison avec le taux médian du secteur, l'entreprise verra l'année suivante sa cotisation varier entre 3 et 5,05% de sa masse salariale, contre un taux de 4,05% aujourd'hui.

Mais cette mesure qui repose sur une observation du comportement des entreprises à partir du 1er juillet, ne sera appliquée qu’à partir de septembre 2022, soit après la prochaine élection présidentielle.

Cette réforme est d’abord l’occasion de faire d’importantes économies budgétaires aux seuls dépens des demandeurs d’emploi

A propos de cet effet de calendrier pour la seule mesure approuvée par les syndicats mais combattue par le MEDEF Denis Gravouil (CGT) cité par l’AFP a estimé que personne ne croyait «que ce soit autre chose que de la com». Les 5 centrales syndicales associées aux négociations ont déjà exprimé dans un rare communiqué unitaire, daté du 23 février, leur «profond désaccord avec le principe fondateur de cette réforme selon laquelle la baisse des allocations chômage inciterait à un retour plus rapide à l’emploi».

Tant pour la CGT que pour FO, la CFDT, la CFC-CGC et la CFTC :  «Cette réforme est d’abord l’occasion de faire d’importantes économies budgétaires aux seuls dépens des demandeurs d’emploi.»