L’«effort total de 15 milliards d’euros de la nation» au bénéfice du secteur de l’aéronautique, annoncé le 8 juin, et les mesures d’activité partielle, qui ont déjà coûté des dizaines de milliards à la collectivité, n’auront pas suffi à éviter une saignée dans le secteur aéronautique. Des milliers d’emplois sont menacés chez Airbus et ses nombreux sous-traitants.
Le 14 juin, l’AFP, se référant à une source chez l’avionneur européen, révélait que son président exécutif Guillaume Faury avait annoncé aux principaux responsables du groupe la préparation d’un plan de restructuration. Quelques jours plus tard, le quotidien La Tribune révélait la teneur d’une lettre adressée aux salariés les préparant à un «plan d'adaptation».
Dans ce courrier que La Tribune dit s’être procuré, Guillaume Faury expliquait que l’entreprise avait perdu plus d’un tiers de son activité dans l’aviation commerciale ; n’envisageait pas de retour à la normale avant 2023-2025 et prévenait : «Une réduction significative du format de notre entreprise est envisagée.»
Dès la mi-mai, le quotidien britannique The Telegraph pronostiquait déjà, d’après une source interne à Airbus et non confirmée, 10 000 suppressions de postes sur 135 000 dans le monde. Airbus pourrait avoir recours aux dispositifs de préretraite, de départ volontaire et peut-être également au gel des embauches.
Mais si cela ne suffit pas, des plans de licenciement devraient être mis en œuvre. La CGT, première organisation syndicale représentative de la filière aéronautique en Occitanie, appelle à une journée d’action et de mobilisation dans la région le 9 juillet pour défendre l’emploi dans ce secteur très impacté par la crise sanitaire.
Au-delà d’Airbus, c’est toute la filière aéronautique française qui est menacée, en particulier dans le sud-ouest de la France où elle est très présente. Avec 110 000 emplois directs, elle est le premier employeur privé dans plusieurs départements de la région Occitanie où la CGT invite les salariés à «exprimer leur ras-le-bol et leur colère».
«Un chantage à l’emploi»
Alors que dans plusieurs entreprises de l’aéronautique, des négociations s’ouvrent autour d’accords de performance collective (APC) qui permettent de moduler le temps de travail et par conséquent les salaires, la CGT dénonce «un chantage à l’emploi».
«Après Derichebourg Aeronautics Services où un APC a déjà été signé, des discussions sont en cours pour remettre en cause des acquis sociaux au sein du groupe d’ingénierie Expleo, ex-Assystem ou encore chez Mecachrome, Safran et chez le fabricant de fixations Blanc Aero dans l’Aveyron», explique Lionel Pastre, secrétaire régional CGT Occitanie cité par l’agence Reuters.
Pour la centrale syndicale : «Dans de nombreuses entreprises, la crise du Covid est une opportunité pour faire des compressions d’effectifs, imposer des baisses de salaire.» La CGT redoute également que ce qu’elle appelle «instrumentalisation d’une crise conjoncturelle» ne débouche sur une «crise structurelle» qui mettrait à genoux les sous-traitants, très dépendants d’Airbus et des grands donneurs d’ordre.
Se référant à la lettre adressée par Guillaume Faury aux salariés, la CGT l’accuse de «noircir le tableau». «Nous avons 7 600 avions à fabriquer, huit années de carnet commande devant nous. En mai, nous n’avons eu aucune annulation. Les donneurs d’ordre, y compris Airbus noircissent le tableau pour faire accepter aux salariés des gains de productivités», estime Michel Molesin, coordinateur CGT chez Airbus cité par Reuters.
Xavier Petrachi, délégué syndical Airbus, dit envisager «tous les scénarios possibles» concernant les prochaines annonces d’Airbus. «Accord de performance collective, suppression d’emplois, cession de site, tout est possible comme à l’époque de Power 8», a déclaré à Reuters le syndicaliste, faisant référence au plan de restructuration mis en œuvre par le groupe en 2007.