Economie

L’Arabie saoudite déterminée à augmenter sa production malgré l’effondrement des cours du brut

Sourde aux appels de la diplomatie américaine à «rassurer les marchés énergétiques et financiers», l’Arabie saoudite a confirmé son intention d’augmenter sa production de pétrole brut. Des sénateurs américains parlent de «guerre économique».

L'Arabie saoudite a annoncé lundi 30 mars son intention de porter ses exportations pétrolières au niveau record de 10,6 millions de barils par jour (mbj) à partir du mois de mai, en pleine guerre des prix avec la Russie et malgré les critiques.

Le prix du baril a continué parallèlement de s'effondrer, affecté par l'absence d'entente entre Riyad et Moscou et la pandémie de Covid-19 qui a fait plonger la demande d'or noir et fait peser sur l'économie mondiale la menace d'une profonde récession.

«le royaume [saoudien] a l'intention d'augmenter ses exportations pétrolières de 600 000 barils par jour à partir de mai, ce qui portera ses exportations [totales] à 10,6 millions de barils par jour (mbj)", a indiqué un responsable du ministère de l'Energie, cité par l'agence officielle SPA.

L'Arabie saoudite avait déjà annoncé début mars une augmentation de ses exportations à 10 mbj pour avril, à la suite de l'échec de négociations sur le renouvellement d'une réduction de la production destinée à soutenir les prix entre l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et les pays non-membres, Russie en tête.

Le royaume exportait auparavant environ 7 mbj dans le cadre d'un accord conclu entre l’Opep et les producteurs extérieurs à l’organisation. 

Tenir le niveau

Après l'échec des négociations, l'Arabie saoudite a fortement baissé ses prix afin d'obtenir des parts de marché supplémentaires, et annoncé une augmentation de sa production pour avril à 12,3 millions de barils par jour. Les Emirats arabes unis lui ont emboîté le pas, s'engageant à pomper au moins un million de barils par jour supplémentaires à partir d'avril.

Le géant pétrolier Saudi Aramco peut maintenir ce niveau de production pendant au moins 12 mois sans avoir à construire de nouvelles installations, selon son directeur général Amin Nasser.

Les infrastructures existantes permettent à l'Arabie saoudite d'extraire son pétrole à bas coût mais les recettes publiques du royaume dépendent à près de 90% du pétrole et Riyad a besoin d'un prix du baril élevé pour équilibrer son budget.

Les prix du pétrole se sont une nouvelle fois effondrés en début de semaine, suivant la chute des marchés financiers face à l'aggravation de la crise liée à la pandémie de Covid-19. Le prix du baril de WTI, référence aux Etats-Unis, a chuté à environ 20 dollars, tandis que celui du baril de Brent de la mer du Nord était de moins de 23 dollars, des niveaux plus vus depuis le début des années 2000.

Des analystes s'attendent à voir le pétrole s'effondrer encore plus, les infrastructures de stockage approchant leur capacité maximale.

L'Arabie saoudite a ignoré les critiques selon lesquelles sa stratégie agressive pourrait mettre en faillite ses rivaux, indiquant qu'elle n'était plus prête à jouer seule le rôle de stabilisateur du marché.

Dans le cadre des réductions décidées par l'Opep et ses partenaires, le royaume avait assumé un rôle majeur et décidé des coupes supplémentaires dans sa production en plus de celles prévues par l'accord.

Ces derniers développements s'inscrivent dans une stratégie délibérée de long terme visant à conquérir une plus grande part de marché face à ses rivaux qui ne peuvent supporter des coûts élevés de production, notamment les producteurs de pétrole de schiste américains.

En décidant d'augmenter ses exportations, Riyad ignore davantage l'appel du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, lancé au prince héritier Mohammed ben Salmane, à «rassurer les marchés énergétiques et financiers» face à la crise économique mondiale qui se profile.

Le président américain Donald Trump, un proche allié du prince Mohammed ben Salmane, et le président russe Vladimir Poutine ont convenus lundi 30 mars de mener des «consultations russo-américaines sur le sujet entre ministres de l'Energie».

Selon les analystes de la société autrichienne d’études JBC Energy, cités par l’AFP, Saudi Aramaco pourrait théoriquement être «l’ultime survivant», vu ses réserves financières et sa capacité à emprunter si nécessaire».

Dans une lettre adressée la semaine dernière à Mike Pompeo, un groupe de sénateurs américains a accusé l'Arabie saoudite et la Russie de mener une «guerre économique contre les Etats-Unis». 

Bernard Haykel, un spécialiste de l'Arabie saoudite à l'université de Princeton (Etats-Unis) également cité par l’AFP redoute que la baisse des prix en plus d’écarter certains producteurs rende également plus difficile «la concurrence des énergies renouvelables avec les combustibles fossiles, du moins à court terme».