Souvent évoquée, jamais réglée, la dépendance de l’économie algérienne à l’égard des hydrocarbures – qui assurent 60% des dépenses budgétaire et 92% des entrées en devises du pays – constitue pour le nouveau gouvernement un défi de taille à relever. Et le temps presse : entre fin 2014 et fin 2019, les réserves de change sont passées de près de 180 milliards de dollars à 62 milliards de dollars.
La récente chute brutale des cours du baril – conséquence d’une baisse de la demande mondiale depuis l’épidémie du coronavirus et de l’échec d’une entente entre l’Opep et la Russie sur une baisse de la production – est venue accentuer la pression sur les autorités algériennes, sommées de réformer l’économie pour éviter un scénario cauchemardesque. Cette baisse drastique du prix du pétrole est en effet intenable pour le budget du pays qui a besoin, selon les années, d’un baril supérieur à 100 dollars pour se maintenir à l’équilibre. Le 12 mars, à la mi-journée, le prix du Brent – le pétrole de référence pour l’Algérie – se maintenant difficilement aux alentours de 33 dollars.
«L'Algérie est excessivement exposée aux fluctuations du marché pétrolier du fait de la faible diversification de son économie. L'impact sera très fort avec des recettes d'hydrocarbures déjà en deçà des besoins. Selon toute vraisemblance, ces recettes en 2020 vont se situer dans un créneau entre 34 milliards de dollars, soit leur niveau actuel, et plus ou moins 20 milliards de dollars, selon les évolutions possibles de la crise», analyse de son côté pour l’AFP, Morad Preure spécialiste des hydrocarbures et ancien dirigeant du groupe public pétrolier Sonatrach.
Le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerrad, le reconnait lui-même : «La situation financière [de l’Algérie] est fragile du fait de sa dépendance des retournements du marché pétrolier».
Les autorités algériennes tentent de réagir
Pour parer à la dégringolade des cours, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a donné une série d’instructions à plusieurs de ses ministres lors d’une réunion consacrée le 10 mars à «l'évaluation de la situation économique». Ainsi, comme le rapporte l’agence de presse publique algérienne APS, le chef d’Etat algérien a demandé au ministre des Finances de présenter une loi de finances complémentaire «pour y inclure des mesures à même de contrer les effets financiers générés par la crise actuelle et recouvrer les recettes fiscales et douanières non perçues». Il a également été chargé d'accélérer le «processus de création de banques privées islamiques et autres.»
Dans ce sillage, et pour limiter les importations globales qui se sont chiffrés en 2019 à plus de 41 milliards d’euros, Abdelmadjid Tebboune a notamment «instruit le ministre de l'Agriculture pour augmenter la production nationale afin de réduire d'au moins 50% l'importation de produits de consommation humaine et animale». La facture agroalimentaire de l’Algérie se chiffrant en 2019 à plus de 8 milliards de dollars par an.
Pour l’heure, le chef de l’Etat a exclu tout recours à l’endettement extérieur et au «financement non-conventionnel», appelé communément «la planche à billet». Le gouvernement précédent, celui de l’ancien ministre Ahmed Ouyahia – condamné depuis dans plusieurs affaires de corruption – avait eu recours à ce dernier procédé fin 2017 pour permettre à l'Algérie de «garder sa souveraineté économique», évitant un recours à l'endettement extérieur. Une gestion des finances qualifiée de «catastrophique» par l'actuel chef du gouvernement.