Economie

Baisse du chômage : une si bonne nouvelle ?

Comment expliquer cette nette baisse du chômage ? Si certains placent ces résultats positifs au crédit de la politique d’Emmanuel Macron, d'autres en revanche, restent plutôt sceptiques. Eléments d'explication.

«Bonne dynamique», «baisse record», «chiffres que personne ne conteste»… Des plateaux de BFMTV au 20 heures de TF1, en passant par la une d’Aujourd’hui en France, certains médias rivalisent de superlatifs pour évoquer les dernières données de Pôle emploi.

A les lire et à les écouter, on croirait presque que le gouvernement a terrassé le chômage ! Même Muriel Pénicaud se révèle plus prudente. La ministre du Travail parle sobrement d’un «signal d’espoir concret», qui «montre qu’il n’y a pas de fatalité». Mais qu’importe ! Après des semaines de grèves, la nouvelle permet de passer à autre chose, et certains ne s’en privent pas.

Sur Twitter, l’ex-UDI Jean Arthuis, désormais plus macroniste que Macron, fait même le lien avec la réforme des retraites. Il estime que cette baisse est «le meilleur gage du financement d’un système universel». Des propos qui font sortir Philippe Béchade de ses gonds, déjà échaudé par la présentation faite des chiffres de Pôle emploi. Le président des Econoclastes ne fait pas dans la nuance : pour lui, «le gouvernement ment effrontément !».

Pour Philippe Béchade, les plus de 55 ans «dont les entreprises ne veulent plus», et les 20-26 ans «qui n’ont même pas droit au RSA», sont dans un «angle mort»

L’économiste ne voit là qu’une «baisse statistique» qui ne reflète pas la réalité du terrain. «C’est jouer sur la sémantique. En disant qu’il y a une baisse des demandeurs d’emplois, tout le monde comprend : le gouvernement fait baisser le chômage». Mais que dire des «invisibles de la statistique officielle» ? Pour Philippe Béchade, les plus de 55 ans «dont les entreprises ne veulent plus», et les 20-26 ans «qui n’ont même pas droit au RSA», sont dans un «angle mort», comme ignorés du système.

Et puis il y a les radiations pour défaut d’actualisation ou raisons administratives qui font sortir des dizaines de milliers de chômeurs du radar. Sans oublier la réforme de l’assurance-chômage dont la première phase s’applique depuis le 1er novembre dernier et qui restreint les conditions d’accès à Pôle emploi. Depuis cette date, il faut avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers pour être indemnisé, contre 4 sur les 28 auparavant.

Ces explications, Eric Heyer n’y croit pas vraiment. Pour le directeur du département analyse et prévisions de l’OFCE (Observatoire français des conjectures économiques), cette réforme est encore trop récente pour expliquer la baisse du nombre de chômeurs. Et de supposer que la loi El Khomri et les ordonnances Pénicaud, réformant le marché du travail, auraient pu avoir un impact sur cette décrue. Mais ce qui joue le plus sur la baisse du chômage, selon lui, ce sont les créations d’emplois : 260 000 sur l’année dernière. Un chiffre étonnant au regard de la faible croissance française : 1,2 à 1,3% tout au plus sur 2019. A moins que ce PIB ne soit révisé à la hausse. Les créations d’emploi comme explication à la baisse du chômage ? Là aussi, Philippe Béchade est sceptique. «En France, on se vante de créer 260 000 emplois par an, alors qu’aux Etats-Unis – certes cinq fois plus peuplés – c’est 200 000 par mois !» «Trop peu pour absorber toutes les entrées sur notre marché du travail» résume-t-il. Alors dans ces conditions, Emmanuel Macron peut-il espérer atteindre son objectif d’un chômage sous les 7% d’ici la fin de son mandat ? Pour Eric Heyer, ça s’annonce «très compliqué».

L’OFCE estime d’ailleurs à 1/6e la probabilité pour que le scénario se réalise, autant dire pas grand-chose. «Créer chaque année autant d’emplois qu’en 2019, je n’y crois pas» affirme l’économiste, qui table sur moins de croissance cette année. De plus, la transformation du CICE (Crédit impôt compétitivité emploi) en baisse de cotisations pour les entreprises, qui a stimulé les embauches l’an dernier, ne jouera pas en 2020.

Reste le Plan d’investissement compétences (PIC), qui pourrait faire sortir quelques chômeurs de plus des comptes de Pôle emploi, le temps d’une formation. Ou encore la suite de la réforme de l’assurance-chômage attendue pour avril. Des mesures «artificielles», et «pas vraiment vertueuses» pour Eric Heyer.