Economie

Nord Stream 2 : la Pologne veut infliger 40 millions d’euros d’amende à Engie

Varsovie s’essaie à l’extraterritorialité judiciaire à l’américaine en sanctionnant Engie (ex-Gaz de France) pour sa participation au projet du gazoduc Nord Stream 2. Engie a annoncé faire appel.

L’organisme anti-monopole polonais UOKiK a annoncé, le 8 novembre sur son site web, avoir infligé une amende de 170 millions de zlotys (40 millions d’euros) au français Engie, une des cinq sociétés européennes participant au financement du gazoduc Nord Stream 2.

L’UOKiK explique qu’Engie a «obstinément et de manière injustifiée» refusé de lui fournir des documents et des informations sur ses accords signés avec Gazprom, ce qui a «considérablement retardé [ses] actions concernant le financement de Nord Stream 2». «Nous menons une procédure antitrust très importante concernant l’affaire Nord Stream 2, dont les effets peuvent revêtir un caractère international. […] La punition décidée d'aujourd'hui n'est que l'une des étapes de cette procédure», a ajouté Marek Niechcial, président de l’UOKiK.

Dans un communiqué de presse, l’organisme polonais détaille les sanctions ultérieures qu’il pourrait décider à l’encontre de Nord Stream 2 et des entreprises partenaires, évoquant «une amende montant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel de la co-entreprise fondée sans son autorisation». Dans certains cas, selon le communiqué de l’UOKIK, les sanctions peuvent aller jusqu’à la saisie de «tout ou partie des biens de l’entrepreneur», ainsi qu’à des actions «assurant le contrôle de l'entreprise et sa liquidation». 

En écho à la diplomatie américaine

L'annonce de l'organisme polonais a coïncidé avec des propos très durs contre la Russie et indirectement contre Nord Stream 2 prononcés le même jour à Berlin par Mike Pompeo. Le chef de la diplomatie américaine avait notamment déclaré : «Nous ne voulons pas que l'approvisionnement énergétique de l'Europe dépende [du président russe] Vladimir Poutine.»

En avril 2018, l’UOKiK a engagé une procédure antitrust contre six entreprises auxquelles il reproche de maintenir leur participation au projet Nord Stream 2 sans son approbation. Il s'agit du leader du projet, le russe Gazprom, du français Engie, des allemands Uniper et Wintershall, de l’anglo-néerlandais Shell et de l’autrichien OMV. Contacté par téléphone, Engie renvoie à sa déclaration reprise par Reuters et Bloomberg : «Nous contestons le fondement juridique de la décision et nous ferons appel.»

Le projet de gazoduc Nord Stream 2 devrait doubler la capacité actuelle (55 milliards de mètres cubes de gaz/an) du pipeline Nord Stream entré en service en 2011 et qui relie l’Allemagne à la Russie en passant par le fond de la mer Baltique.

Menacé à de nombreuses reprises par les Etats-Unis de sanctions extraterritoriales visant le projet et les entreprises européennes qui y participent, le consortium Nord Stream 2 semble toutefois en passe de réussir son pari d’une entrée en service en 2020. Sa construction est achevée à plus de 75% et en octobre, le Danemark, qui bloquait la construction du tronçon passant par ses eaux territoriales, a finalement donné son feu vert.

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