Economie

Française des Jeux : une privatisation symbolique

Suscitant moins de réactions hostiles que la privatisation annoncée d'Aéroports de Paris, celle de la FDJ représente un faible enjeu économique. Pour le gouvernement, il s’agit surtout de réconcilier les Français avec la bourse.

Le lancement de la privatisation de la Française des jeux (FDJ) aura lieu le 7 novembre. A partir de cette date et jusqu’au 19 novembre, il sera possible aux investisseurs professionnels et aux particuliers de réserver une ou plusieurs des 191 millions d’actions émises. Elles représentent 52% du capital de l’opérateur national historique et unique de loterie, l’Etat en conservant 20%.

Une fourchette de prix doit être établie dans un premier temps. La valeur définitive, elle, ne sera fixée qu'une fois la période de souscription close, notamment en fonction de la demande. Interrogée sur la station de radio RTL, la présidente de la FDJ Stéphane Pallez a laissé entendre que le prix de l’action se situerait «plutôt dans les dizaines d'euros que dans la centaine».

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait, quant à lui, précédemment déclaré qu’il attendait environ un milliard d’euros de cette privatisation. Le produit de la vente doit abonder un fonds destiné au financement de l’innovation. Le principe en a été établi dans la loi PACTE (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) adoptée en avril 2018.

A un moment où les taux d’intérêt sont particulièrement bas et où le Trésor n’éprouve aucune difficulté à émettre tous les mois des milliards d’euros de dette à taux négatif, on peut douter de la nécessité d’organiser une telle vente, si le but était seulement de financer l’innovation.

Relancer l'actionnariat populaire

Mais cette privatisation a un autre but officiel : relancer l'actionnariat populaire. Un spot publicitaire largement diffusé clame : «Entrez dans l’histoire, entrez dans la capital de la Française des jeux !»  Et pour encourager les particuliers à «entrer dans l’histoire», une action gratuite leur sera accordée pour dix actions achetées, si ces actions sont conservées 18 mois, et une décote de 2% sur le prix du titre sera appliquée. Mi-octobre, le ministre de l’Economie, annonçant la date de la privatisation, avait dit vouloir en faire un «succès populaire». Toutefois, les Français sont semble-t-il devenus méfiants.

Charles-Henri d'Auvigny, président de la Fédération des investisseurs individuels et des clubs (F2IC), cité par l’AFP, explique : «Les particuliers présents en bourse étaient quelque neuf millions dans les années 2 000. Mais entre les krachs et la volatilité, les gens sont partis.» Le président de la F2IC estime qu’il ne reste aujourd’hui que trois millions de petits porteurs en France.

L'AFP a également recueilli l’avis de Stéphane Boujnah, directeur général d'Euronext (société privée qui gère plusieurs bourses, dont celle de Paris), lequel estime que la Française des jeux constitue «une bonne accroche» pour faire revenir les particuliers vers la bourse, «car son activité est facile à comprendre et assez prévisible».

Ces dernières semaines, on a tenté de présenter les actions de la FDJ comme un placement de père de famille. Et il est vrai que l’activité de la FDJ, insensible à la guerre commerciale et aux cycles économiques, a de quoi rassurer. De plus, l'entreprise verse chaque année environ 140 millions d’euros de dividendes, soit environ 80% de son bénéfice net à ses actionnaires, et la direction s’est engagée à maintenir ce niveau. Ainsi, à moins d'être proposée à un prix très élevé à l'issue de la période de souscription, l'action FDJ pourrait constituer un placement plus dynamique que le livret A, plébiscité par les Français, malgré son taux de rémunération actuel légèrement inférieur à celui de l'inflation. 

Les précédents décevants de France Telecom et EDF

Cela suffira-t-il à séduire les Français et à faire de cette privatisation sans enjeu réel un succès ? Les mauvais souvenirs laissés par les précédentes privatisations de France Telecom (devenu Orange) et d’EDF pourraient quand même peser négativement dans la balance. Les cours d'EDF, entré en bourse en novembre 2005 à 32 euros et de France Telecom, introduit en octobre 1997 à 27,75 euros, sont aujourd’hui très en dessous de ces niveaux. Pendant les douze derniers mois, les actions de la première ont chuté de 16 à environ 9 euros, alors que celles de la seconde se négociaient entre 13 et 15 euros.

La FDJ est la deuxième loterie nationale en Europe et la quatrième dans le monde. Sur 15,8 milliards d’euros de mise en 2018 (dont près de 70% reversés aux joueurs sous forme de gains), 3,5 milliards d’euros de taxes sur les jeux ont été reversés aux finances publiques qui conserveront cette manne régulière après la privatisation.

Compte tenu de ces divers versements, le groupe revendique en 2018 1,8 milliard de chiffres d’affaires, pour un résultat net de 170 millions d’euros. En 2020, un nouveau cadre fiscal «basé sur le produit brut des jeux, c’est-à-dire les mises moins les gains» selon l’explication Stéphane Pallez, présidente directrice général du groupe FDJ, doit entrer en vigueur.