Dans les pas du maire du maire de Langouët (Ile-et-Vilaine), dont l'arrêté interdisant l'utilisation des pesticides chimiques à moins de 150 mètres des habitations a été suspendu par la justice, Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand ont signé des arrêtés interdisant complètement et immédiatement l'utilisation de ces produits sur leur commune.
«Il s'agit pour nous d'engager une démarche concertée pour faire changer la loi et concourir à la sauvegarde du patrimoine inestimable de la biodiversité sur nos territoires et de la santé de nos concitoyens», ont écrit dans un communiqué commun les édiles qui sont tous rattachés au Parti socialiste (PS) ou à Europe Ecologie - Les Verts (EELV).
S'agissant de grandes villes et non de communes rurales abritant des cultures, cette action est en grande partie symbolique. La loi interdit en effet déjà depuis 2017 l'utilisation de produits phytosanitaires chimiques par les collectivités pour entretenir les espaces verts et la voirie.
Cette interdiction a été étendue en janvier aux particuliers et jardiniers amateurs qui ne peuvent plus utiliser que des produits d'origine naturelle. Il ne restait donc plus que les espaces verts privés non ouverts au public, comme les copropriétés et les terrains gérés par les entreprises, notamment la SNCF, grande utilisatrice de glyphosate pour désherber ses voies et leurs abords immédiats.
A Lille, pour Stéphane Baly, président du groupe des élus EELV de la commune cité par l’AFP, cela concerne «toutes les voies appartenant à la SNCF et qui bien souvent se trouvent à proximité des habitations».
«Faire plier l'Etat»
«Cette démarche conjointe avec un certain nombre de maires de grandes villes […] a notamment pour but de faire plier le gouvernement», a-t-il ajouté. «Il faut protéger les habitants de notre ville, c'est plus qu'un principe de précaution», a déclaré de son côté à l'AFP Pénélope Komitès, adjointe à la maire PS de Paris Anne Hidalgo.
Citant une étude non publique, elle a estimé que la surface potentielle concernée représentait environ 600 hectares à Paris, soit un peu moins de 6% de la superficie de la capitale. «On sait très bien que cet arrêté sera vraisemblablement attaqué mais le danger pour la biodiversité et la santé des populations est suffisamment important pour que nous prenions ce type de mesures, pour alerter l'Etat pour qu'il aille plus loin», a-t-elle ajouté.
Le gouvernement veut proposer de fixer à cinq ou dix mètres, selon les cultures, la distance minimale entre les habitations et les zones d'épandage de pesticides, mais les écologistes dénoncent des mesures insuffisantes. En général, les maires ruraux qui ont pris des arrêtés interdisant l’épandage de pesticides dans leurs communes ont, eux, évalué cette distance à 150 mètres.
La ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, a ironisé jeudi sur l'annonce des cinq grandes villes, évoquant sur Twitter un «#coupdecom». Elle s'est dite étonnée de la volonté de «faire plier le gouvernement» de la part de grandes villes selon elle «assez déconnectées des réalités que représentent les problèmes de pesticides pour les communes rurales et agricoles».
Le 10 septembre, des élus et militants associatifs avaient appelé les maires de France à multiplier les arrêtés anti-pesticides et à «submerger» la consultation en ligne lancée par le gouvernement. Selon eux, plus de 50 communes, ainsi que le département du Val-de-Marne, ont déjà pris de tels arrêtés, dont le plus célèbre et pionnier, celui du maire de Langouët, en Bretagne, Daniel Cueff.
Il avait pris en mai un arrêté très médiatisé interdisant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à une distance inférieure à 150 mètres de tout bâtiment à usage d'habitation ou professionnel. Mais cet arrêté a été attaqué par le préfet de Rennes et suspendu, en septembre, par le tribunal administratif de la métropole bretonne. Des recours ont été déposés également par les préfets contre d'autres arrêtés.