Economie

Le gouvernement nomme dix experts pour évaluer l’accord UE-Mercosur, mais les entendra-t-il ?

Le gouvernement a annoncé la mise en place d’une commission d’experts chargée d’évaluer les effets potentiels d’un accord de libre-échange entre l’Europe et le Mercosur. Il a l’avait déjà fait avec le CETA, sans convaincre les agriculteurs.

Simple comité Théodule ou véritable garde-fou contre des effets éventuellement négatifs du projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur ? Les services du Premier ministre ont annoncé le 29 juillet la création d’une commission qui aura pour mission de réaliser «une évaluation complète et transparente» de ce nouveau projet de traité de libre-échange. 

Dix experts issus des mondes de la recherche agronomique, du droit, des sciences politiques et de l’économie devront analyser les effets du projet d’accord en matière de développement durable (dans ses dimensions économique, climatique, environnementale et sociale), de santé des consommateurs et d’aménagement des territoires.

Selon les termes du communiqué de Matignon, cette commission «s’attachera en particulier à évaluer les effets de l’accord en termes d’émission de gaz à effet de serre, de déforestation et de biodiversité». Ses conclusions doivent être complétées par une étude d’impact sur les filières agricoles sensibles.

Un aspect essentiel pour les agriculteurs en France, mais aussi dans le reste de l’Europe ou beaucoup redoutent l’invasion de produits agricoles (céréales, viande) produits à des coûts et dans des conditions sanitaires très différents de ce qui est pratiqué sur le vieux continent.

En France, par exemple, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) est vent debout contre ce projet d'accord ainsi que celui déjà signé avec le Canada et milite depuis longtemps sous les deux slogans «N’importons pas l’agriculture que nous ne voulons pas» et «N’importons pas l’alimentation que les Français ne veulent pas dans leur assiette !».

Une référence aux céréales et oléagineux OGM que les agriculteurs français n’ont pas le droit de cultiver, alors que ces accords en autorisent l’importation.

Colère des agriculteurs

L’opposition à ces accords, que les agriculteurs français perçoivent comme une menace existentielle, est vive au point d’avoir provoqué en France de nombreuses dégradations de permanences de députés de la République en marche, depuis le vote, le 23 juillet, par la majorité présidentielle, de la loi de ratification du CETA.

La Commission d’évaluation doit rendre ses conclusions et recommandations en novembre, mais rien dans le communiqué des services du Premier ministre ne laisse supposer qu’elles seront prises en considération au-delà d’engagements à respecter l’accord de Paris. Le précédent du CETA incite d’ailleurs à la plus grande circonspection. En effet, le 8 septembre 2017, une commission comparable avait rendu au Premier ministre un rapport dénonçant «le manque d'ambition de l'accord» en matière d'environnement et de développement durable.

Mais surtout, analysant les conséquences de l'accord sur l'agriculture, la commission notait une augmentation des importations européennes de viandes de porc et de bœuf canadiennes, «susceptible d'affecter négativement un secteur de l'élevage déjà affaibli dans l'Union européenne». Elle pointait aussi les conditions d'élevage canadiennes qui diffèrent beaucoup de celles mises en œuvre en Europe et relevait que l’accord était «muet sur les questions du bien-être animal, de l'alimentation animale (farines animales ou non ?) et de l'administration d'antibiotiques comme activateurs de croissance».

Certes, le gouvernement avait répondu en élaborant le plan d'action CETA. Mais cela n’avait pas empêché, quelques jours plus tard, la mise en œuvre, presque en intégralité, de l’accord avant même sa ratification.

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