Réunis en commission mixte paritaire (CMP) le 3 juillet, députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur la proposition de Loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles.
Surnommée «loi 5G» par les parlementaires, elle a été immédiatement rebaptisée par les médias «Loi Huawei», voire «loi anti-Huawei»? selon le choix de la rédaction du quotidien Les Echos, par exemple. Pourtant, le nom du géant chinois des équipements 5G n’est pas mentionné dans le document législatif.
La proposition de loi met en place un nouveau régime d’autorisation préalable à l’exploitation des équipements 5G «afin de renforcer la sécurité de ces futurs réseaux», comme l’explique le Sénat. «La 5G est en effet porteuse de promesses, […] mais également de risques, notamment en raison de la criticité des nouveaux usages (véhicule connecté, usine du futur, téléchirurgie…)», estime le palais du Luxembourg qui précise que la proposition de loi «donne à l’Etat les moyens de s’assurer de la sécurité de ces nouveaux réseaux radioélectriques».
Le texte, qui ne contient que trois articles et tient en une page, avait été adopté le 26 juin par le Sénat dans une version amendée avant de repasser par l’Assemblée qui détient le dernier mot en cas de divergence persistante.
Mais pour le rapporteur du texte au Sénat, Catherine Procaccia (Les Républicains - Val-de-Marne) : «L’essentiel des apports du Sénat est préservé : […] Les acteurs économiques bénéficient désormais d’un cadre clair pour leurs investissements. Nous avons dû faire quelques concessions. Il revient maintenant au gouvernement d’adopter le plus vite possible les dispositions d’application de ce texte.»
La lecture des conclusions de la commission mixte paritaire interviendra dans les deux assemblées courant juillet, ce qui ouvrira la voie à une promulgation du texte par le président de la République.
«Un retour en arrière de 30 ans»
A l’origine, cette loi a été proposée par un groupe de députés de La République en marche (LREM) et imposait même des restrictions à l’équipement des réseaux 4G. «C’est un retour en arrière de 30 ans», déclare à L’Usine Nouvelle, Winston Maxwell, avocat spécialisé dans les technologies de l’information, aujourd’hui directeur des études en droit et numérique à Télécom Paris.
Cet expert des réseaux affirme comprendre «le souci de cybersécurité», mais se déclare surpris par cette approche car, selon lui : «Elle est en décalage avec [celle] qui prévaut aujourd’hui en Europe [où], qu’il s’agisse du règlement Cybersecurity Act ou de la directive NIS, le principe est de dicter des normes de sécurité et de laisser ensuite aux opérateurs télécoms la liberté de s’y conformer.» Pour le directeur des études directeur d'études à Télécom Paris «cela va entraîner des lourdeurs administratives, des restrictions de choix et des surcoûts».
Un point de vue apparemment partagé par l’actuel PDG de Nokia, géant finlandais de la téléphonie mobile qui avertissait les gouvernements dans un entretien publié le Financial Times : «Ce que vous ne voulez pas, c’est un processus fastidieux impliquant plus de coûts dans la chaîne d’approvisionnement.»