«Si un pays, quel qu’il soit, tente d’utiliser les produits fabriqués à partir de terres rares exportées de Chine pour contenir et empêcher le développement de la Chine, je pense que [ses] habitants […] ne seront pas contents», déclarait le 29 mai dernier un haut responsable de l’organe de planification économique d’Etat, cité par le Global Times, média gouvernemental chinois international.
Pour le média en ligne, ces déclarations du haut fonctionnaire sont un signe que la Chine n'hésitera pas à utiliser les terres rares comme une arme contre les Etats-Unis dans le contexte de l'escalade du conflit commercial entre les deux pays, dont le bannissement de Huawei aux Etats-Unis est la dernière manifestation.
Les commentaires repris par le Global Times faisaient suite à la visite du président chinois Xi Jinping à JL MAG Rare-Earth, une société de haute technologie, basée à Ganzhou dans le sud du pays et spécialisée dans la recherche et le développement sur les matériaux magnétiques permanents des terres rares.
Immédiatement après la visite de JL MAG Rare-Earth, ses actions se sont renchéries de 10%, atteignant un niveau historique, après avoir gagné 134,1% au cours du seul mois de mai. Les titres de la société minière China Rare Earth Holdings ont, eux, augmenté de plus de 40%, tandis que ceux de la société australienne Lynas Corp, seul producteur majeur de terres rares en dehors de la Chine, ont grimpé de 14,6%.
Les terres rares deviendront-elles une contre-arme de la Chine face aux pressions que les Etats-Unis ont exercées sans raison ? La réponse n’est pas un mystère
Dans un article intitulé «Etats-Unis, ne sous-estimez pas la capacité de la Chine à riposter !» publié le même jour, Le Quotidien du peuple, souligne la dépendance «inconfortable» des Etats-Unis à l'égard des terres rares en provenance de Chine. Et l’organe du Parti communiste chinois ajoute : «Les terres rares deviendront-elles une arme de rétorsion de la Chine face aux pressions que les Etats-Unis ont exercées sans raison ? La réponse n’est pas un mystère.»
L'industrie des Etats-Unis dépend à 80% des terres rares importées de Chine
Les terres rares sont un groupe de 17 éléments chimiques utilisés dans tous les domaines, de l'électronique grand public, en particulier les téléphones portables, aux équipements militaires. La Chine détient près de la moitié des réserves mondiales mais domine la production à près de 80% grâce à des sites où les minerais affleurent en surface et sont facilement exploitables.
Les Etats-Unis ont absorbé 80% des exportations de terres rares de la Chine entre 2014 et 2017, ce qui les a exclues, ainsi que d’autres minéraux rares extraits en Chine, des récents tarifs douaniers décrétés par l’administration de Donald Trump sur des matériaux comme l’acier et l’aluminium. Cependant, Pékin a déjà décidé d’augmenter les droits de douane sur ses exportations de terres rares vers les Etats-Unis de 10% à 25% à compter du 1er juin.
La Chine a déjà utilisé les terres rares comme moyen de pression dans le cadre de différends diplomatiques antérieurs. En 2010, Pékin a aboli les quotas d'exportation de terres rares après la collision entre un chalutier chinois et deux navires des garde-côtes japonais proches d'îles inhabitées situées en mer de Chine orientale et revendiquées par les deux pays.
En 2012, le Japon, les Etats-Unis et l'Union européenne se sont plaints auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) au sujet de ces restrictions. Deux ans plus tard, l'OMC a reproché à la Chine d'avoir invoqué des raisons environnementales pour justifier les quotas. Après avoir perdu la cause, elle a finalement abandonné son système de quotas d'exportation.
En revanche, des fonctionnaires du commerce chinois ont déclaré que si Pékin appliquait de nouvelles restrictions aux exportations de terres rares vers les Etats-Unis, il suivrait probablement l'exemple de Washington et invoquerait la sécurité nationale.
La Chine a reproché à plusieurs reprises Washington d’abuser des exceptions aux règles de l’OMC au nom de la sécurité nationale. Elle a de nouveau accusé les Etats-Unis d'avoir enfreint les règles en inscrivant sur la liste noire Huawei Technologies Co Ltd, la plus grande société d’équipements de télécommunication au monde.