Dans un long entretien exclusif accordé au quotidien économique La Tribuneet publié le 15 avril, Jean-Cyril Spinetta revient sur les turbulences que traverse le groupe Air France-Klm et notamment la montée, en mars, de l’Etat Néerlandais dans son capital à peu près à la même hauteur (14%) que l’Etat français.
Pour celui qui fut deux fois président du groupe : «L'initiative est parfaitement légale et parfaitement inamicale. […] Le sentiment d'une communauté d'intérêts n'est plus perçu et se défait. La présence de deux Etats en rivalité dans l'actionnariat d'une entreprise n'est pas une bonne chose et trouble certainement les investisseurs.»
Lorsque Fabrice Gliszczynski, le rédacteur en chef aéronautique de La Tribune lui demande si les deux Etats actionnaires doivent sortir du capital d'Air France-KLM, son ancien président réplique qu’il a «toujours été favorable à ce que l'Etat de la nationalité de l'entreprise reste présent à son capital». Puis, il souligne qu’Air France-KLM est une entreprise française cotée à Paris et estime que «dans ces conditions, c'est l'Etat néerlandais qui devrait […] se retirer du capital d'Air France-KLM dès lors qu'il aura obtenu les confirmations que les garanties existantes ne sont pas remises en cause».
Il recommande toutefois que l'Etat français ait «la sagesse de se mettre totalement en retrait sur les questions de nomination des dirigeants». Il concède d’ailleurs que les rumeurs, au début de l’année, du limogeage de Pieter Elbers, président de KLM très populaire auprès de ses salariés mais réputé hostile au nouveau patron du holding, le Canadien Ben Smith, ont créé un climat de méfiance. D’autant qu’au terme de l’année 2018, sur 1,26 milliard d’euros de bénéfices que peut revendiquer le groupe, 1 milliard est à mettre au compte de l’activité de KLM qui affiche un insolent taux de marge d’exploitation de 9,8%, contre 1,7% pour Air France.
Dès le départ La Haye aurait accepté la prééminence française
En revanche, Jean-Cyril Spinetta nie la réalité des craintes que les intérêts néerlandais soient menacés et surtout rappelle que, dès le départ, La Haye a de facto accepté la prééminence française. Celle-ci se concrétisait entre autres par les règles de nomination des dirigeants des filiales par le conseil d’administration de la holding qui avantageaient Paris.
Il souligne aussi que, depuis la fusion, la croissance de KLM a été nettement plus rapide que celle d'Air France. Son chiffre d'affaires a augmenté de 80 %, contre 40 % pour Air France. Pour lui la réaction des Pays-Bas traduit «une forme de désalignement des intérêts entre Air France et KLM » et il évoque un «découplage» comme si KLM voulait désormais faire chambre à part.
Les deux Etats ont créé un groupe de travail chargé de proposer des mesures permettant à Air France-KLM de mieux fonctionner. Les conclusions sont attendues d'ici à juin. En revanche, la plupart des experts du secteur de l’aéronautique estiment que les deux compagnies tout à perdre d’une séparation d’ailleurs juridiquement difficile à moins qu’Air France-KLM ne vende sa filiale néerlandaise.