Economie

A Berlin Merkel et Macron opposent «solidarité» et «responsabilité» au sein de la zone euro

A un an des prochaines élections au Parlement européen, le président français et la chancelière allemande se sont retrouvés à Berlin pour évoquer l'avenir de l'Union et de la zone euro. Derrière les déclarations optimistes, la division se fait jour.

Emmanuel Macron était à Berlin ce 19 avril pour réclamer davantage de «solidarité» financière en zone euro dans le cadre de son projet de refondation de l'Europe mais n'a pu obtenir qu'une réponse très réservée d'Angela Merkel, malgré l'«optimisme» affiché de cette dernière. «Sur le plan économique et monétaire, nous devons mieux ré-articuler responsabilité et solidarité» entre Etats, a déclaré à la presse président de la République française aux côtés de la chancelière allemande. En clair : ne pas lier la gouvernance européenne aux seules mesures coercitives, comme le contrôle des déficits et de la dette, mais aussi à des mécanismes d'entraide et de soutien à la croissance. «Aucune union monétaire ne subsiste s’il n’y a pas des éléments de convergence et donc ce sur quoi nous voulons travailler, ce sont des éléments plus incitatifs [..] qui permettent une bonne solidarité», a-t-il ajouté.

Elu il y a près d'un an sur un credo très pro-européen, Emmanuel Macron voit aujourd'hui son projet de refondation de l'Europe contrarié par des blocages allemands, notamment sur la zone euro où Berlin redoute de devoir payer pour les autres pays. Le gouvernement français appelle de ses vœux la création d'un budget autonome de la zone euro pour soutenir les investissements et la croissance ou la création d'un poste de ministre des Finances de l'Union monétaire. Mais l’actuel gouvernement allemand n’a pas donné de signe laissant croire qu’il considérait ce projet comme une priorité. 

A Berlin, on plaide d'abord pour des réformes visant à rendre les économies nationales «plus compétitives» 

Angela Merkel était restée silencieuse pendant de long mois, alors qu’elle était accaparée par la laborieuse construction d’un accord de coalition après les élections fédérales de septembre 2017, qui avaient donné des scores hsitoriquement bas aux deux partis de gouvernement, la CDU et le SPD. Depuis, tout semble à peu près rentré dans l’ordre, un ministre des Finances chrétien démocrate a été remplacé par un social-démocrate sans qu’on puisse percevoir une quelconque différence dans un discours toujours axé sur la rigueur budgétaire. La chancelière a quant à elle insisté sur la nécessité pour les gouvernements de faire des «efforts nationaux», des économies budgétaires et des réformes pour rendre leurs économies «plus compétitives».

Alors que la refonte de la zone euro est «le cœur» du projet européen d'Emmanuel Macron, la chancelière n'a mentionné le sujet qu'en dernier dans sa liste des réformes qu'elle estime nécessaires en Europe, après une politique migratoire ou une politique étrangère communes. Citée par l’AFP, Angela Merkel a toutefois jugé bon de préciser que ses propositions ne s’opposaient pas à celles de son homologue français, mais qu’elles les complétaient en déclarant : «Je pense que nous apportons d'autres éléments [que ceux de la France] mais je pense que la somme de nos propositions pourra permettre d'arriver à un bon résultat.»

La convergence franco-allemande suspendue à une feuille de route d'ici le mois de juin

Berlin et Paris ont en effet pour objectif de présenter une feuille de route commune pour réformer l'Europe après le Brexit, en juin, en vue d'un sommet européen sur le sujet. Un conseil ministériel franco-allemand préparatoire est en outre programmé le 19 juin.

L'un des chantiers auxquels Emmanuel Macron a rappelé son attachement porte sur l'Union bancaire en Europe, et notamment la gestion commune des faillites de banques. Mais Angela Merkel a réitéré le refus de son pays de mettre en œuvre rapidement le troisième et très important pilier de ce projet : la création d'un fonds européen de garantie bancaire des dépôts des particuliers.

La finalisation de l'Union bancaire envisagée «dans un avenir plus éloigné»

Selon Angela Merkel, l'Allemagne reste ouverte à cette idée mais seulement «dans un avenir plus éloigné». Quelques jours auparavant, l'un des experts du dossier au sein du Parti démocrate chrétien, Eckhardt Rehberg, avait résumé la position allemande avec la formule suivante : «Il ne faut pas que l'épargnant allemand se retrouve garant des banques grecques et italiennes.»

Berlin demande que les banques de tous les pays de la zone euro, principalement en Italie ou en Grèce, soient assainies au niveau national avant d'envisager une garantie européenne commune. 

La France et l’Allemagne représentent à eux deux 50% de l’activité économique de la zone euro et de ses 19 membres. Mais, en dépit d’une unité affichée de longue date, les deux pays poursuivent apparemment des objectifs différents.  

Pierre Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières qui intervenait le même jour à Washington au Peterson Institute for International Economic a, pour sa part, évoqué une urgence à renforcer l’intégration de la zone euro. Se montrant optimiste, il a déclaré : «Nous sommes en train de parvenir à un consensus sur les priorités et la méthode pour faire aller de l’avant la zone euro mais le temps file […] Si le sommet européen de juin échoue à prendre le décisions nécessaires, il sera trop tard.»

Il est vrai que la Commission européenne partage avec le président français des inquiétudes quant au résultat des prochaines élections au Parlement européen de mai 2019. Les deux semblent convaincus que seuls des avancées en matière de solidarité intra-européenne pourront faire barrage à une progression des candidats eurosceptiques en France et ailleurs en Europe.