Les paysans européens sont appelés à manifester ce 17 avril à Bruxelles à l’appel de la Coordination européenne Via campesina. En France, une manifestation est également prévue à Paris, devant l’Assemblée nationale contre la venue de Justin Trudeau, premier ministre du Canada, signataire de l’accord Ceta avec l’Union européenne. En principe, le 17 avril est une commémoration, celle du massacre de paysans, le 17 avril 1996 à Eldorado dos Carajas, au Brésil, par la police militaire.
Mais cette année, les manifestations se font aussi et surtout contre les traités de libre-échange et en particulier celui que négocient actuellement l’Union européenne et le Mercosur. Ce marché unique latino-américain compte aujourd’hui cinq membres, le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela. Cependant, la participation à l’accord de ce dernier a été suspendue sur décision politique des quatre autres membres en août 2017.
Les discussions avec le Mercosur ont commencé dès 1999 avant d’être interrompues en 2012, l’année où le Venezuela a rejoint le Mercosur. Elles ont repris en 2016 et cette année, le commerce de biens entre les deux ensembles a représenté un volume de plus de 80 milliards d’euros, légèrement excédentaire au bénéfice des entreprises de l’Union. Pour l’Union européenne (UE), l’accord devrait permettre de lever des barrières tarifaires en faveur des exportateurs européens. La direction générale du commerce de la Commission voit même des perspectives pour le secteur agro-industriel de l’UE grâce à la levée des tarifs douaniers du Mercosur sur les produits laitiers qui sont actuellement de 28%, sur les spiritueux (35% sur le champagne en Argentine) et 20% en général sur le vin.
Le monde paysan européen voit surtout dans cet accord une menace. Il redoute que sa signature ouvre largement les vannes à l'exportation, sans droits de douane, de 100 000 tonnes de viande bovine et 90 000 tonnes de volailles supplémentaires depuis le Mercosour. Dans son appel à manifester ce 17 avril, la coordination européenne considère que l’accord entre l’UE et le Mercosur serait un «coup fatal pour les petits et moyens agriculteurs européens déjà dans une situation de crise».
La commission sait que sans augmentation des exportations de bovins et de céréales OGM vers l'Europe, le Mercosur ne signera pas
La Commission ne confirme ni n’infirme ces chiffres, «car les négociations sont toujours en cours». De plus, elle affirme être au courant des inquiétudes des paysans et soutient que le commissaire à l’agriculture Phil Hogan veille à ce que les préoccupations des agriculteurs européens «soient prises en compte de façon adéquate dans les négociations». Mais, dans ses documents sur les négociations avec le Mercosur, elle reconnaît qu’une augmentation des exportations de viande et de céréales vers l’Union européenne est un enjeu crucial pour les pays sud-américains concernés. Enfin, la conclusion de l’accord devrait aussi voir une augmentation des protéagineux OGM, notamment le soja, dont la production est interdite en Europe, mais pas l’importation.
Les paysans dénoncent aussi l’accord de libre-échange conclu entre l’Union européenne et le Canada signé le 30 octobre 2016 et entré en vigueur provisoirement en septembre 2017. Celui-ci donne déjà accès au marché européen à 65 000 tonnes de viande bovine sans droits de douanes. En France, Interbev, l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, fondée en 1979, estime qu’une augmentation de 200 000 tonnes par an entraînerait une réduction de 50% du revenu des éleveurs français et la disparition de 50 000 emplois. Enfin, selon l’article 25 du Ceta qui traite de la coopération réglementaire, l’UE et le Canada s’engagent à promouvoir des procédures «rationnelles» et «scientifiques» d’approbation des OGM et à réduire les barrières commerciales liées à l'encadrement des biotechnologies.
Le même 17 avril, L’Obs a publié une lettre ouverte du député européen écologiste Yannick Jadot au président de la République, Emmanuel Macron, intitulée «Ceta : arrachons l'Europe des griffes des lobbys !». L'eurodéputé attend du président qu’il intervienne pour demander à sa majorité à l’Assemblée de ne pas ratifier le Ceta et de mettre un terme aux négociations avec le Mercosur.