Economie

Peu de retombées économiques à attendre de la visite de prince héritier d'Arabie saoudite

Mohamed ben Salmane n'est pas venu à Paris pour sortir son carnet de chèques. En dehors d'une coopération culturelle et diplomatique, le partenariat avec Riyad semble ne plus payer.

L’Elysée a prévenu : il n’y aura pas d’annonce de contrats mirobolants à l’issue de la brève visite officielle du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed ben Salmane, surnommé MBS, du 8 au 10 avril. Pas de vente de Rafale en vue, donc. D’autant moins que les manifestations qui avaient émaillé le déplacement du prince héritier au Royaume-Uni début mars, lors duquel il avait été reçu au palais de Buckingham par la reine Elizabeth, n’avaient pas empêché la vente de 48 Eurofighter, pour un montant proche de 10 milliards de livres sterling (11,4 milliards d’euros). De côté-là le prince est déjà servi.

En France la moisson s'annonce plus modeste. Tout au plus évoque-t-on la signature d’un contrat de vente, pour quelques centaines de millions d’euros, de navettes rapides pour la marine saoudienne construite par CMN (Constructions mécaniques de Normandie). Cette entreprise qui emploie environ 320 salariés à Cherbourg a été rachetée 1992 par l’homme d’affaires français d’origine libanaise Iskandar Safa, via son fonds Privinvest enregistré à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis. 

D’ailleurs, l’Arabie saoudite n’est plus un eldorado pour les ventes d’armes françaises, qui s’écoulent mieux aux Emirats arabes unis et en Inde. Et la tendance ne semble pas prête de s’inverser. Mohamed ben Salmane a ainsi personnellement demandé (en novembre dernier) et obtenu, après tergiversations début avril, la liquidation d’ODAS, une structure dédiée spécialement aux contrats d’armes vers l’Arabie saoudite et codétenue par l'Etat français (34%) et les grands groupes français de défense (Airbus, Dassault, Nexter, Thales, Naval Group...). Il était reproché à cette structure, entre autres, des liens trop étroits avec l'ex-ministre de la défense Sultan ben Nayef Abdelaziz, qui avait fait 50 ans durant la pluie et le beau temps dans les affaires franco-saoudiennes et avait finalement été décoré de l'ordre de la Légion d'honneur par François Hollande. Une page est donc tournée. D'autant que les doutes de la société civile s'accumulent quant au bien fondé de ventes d'armes à un Etat engagé dans une guerre impitoyable au Yémen, qui a provoqué la pire crise humanitaire mondiale actuelle selon l'ONU.

En revanche, la visite de MBS devrait être l’occasion d’annoncer une extension du partenariat entre Total et la compagnie pétrolière saoudienne Aramco. Mais il ne s’agit pas vraiment d’une surprise qu’aurait facilité ce déplacement. Le groupe Total est en effet présent dans le Royaume saoudien depuis 40 ans.

Enfin, le 10 avril est prévu un sommet économique au Quai d'Orsay, en présence de la crème du patronat français (Patrick Pouyanné de Total, Gérard Mestrallet d’Engie, Sébastien Bazin d’Accor Hotels, Jean-Bernard Lévy président de Vivendi…) et de plusieurs dirigeants saoudiens comme le ministre de l'Energie Khaled al-Faleh ou Ahmed al-Khateeb, patron de la puissante Saudi Arabian Military Industries (SAMI), qui chapeaute la plupart des grands contrats militaires du pays.

L'Arabie saoudite, prête à accueillir les investissements français, pas à sortir son carnet de chèques

Mais hormis quand il faut s’attacher l’amitié des Etats-Unis, principal partenaire stratégique de l’Arabie saoudite au Moyen-Orient, le prince ne signe plus aussi facilement ses chèques. Et même sa tournée récente de trois semaines aux Etats-Unis n’a accouché que de «quelque» 800 millions de dollars de contrats.

En effet, pour sortir de sa dépendance à la rente pétrolière, menacée par la baisse des cours, le prince a privilégié Vision 2030, un programme d’investissements à domicile censé produire 450 000 emplois. Mais cette stratégie, qui peut présenter des opportunités d’affaires sur le marché saoudien pour les entreprises françaises notamment dans les transports, l’eau et l’énergie, ne repose pas sur des achats à l’étranger. La rencontre entre responsables saoudiens et grands patrons français devrait donc plutôt accoucher de «protocoles d’accord». L’industrie française est chaleureusement invitée à investir en Arabie saoudite, mais ne doit pas s’attendre à des commandes faramineuses.

Il y a toutefois un domaine a priori accessible à la France : celui de la valorisation culturelle. Ainsi, le 8 avril au soir, Emmanuel Macron a invité le prince héritier à un dîner privé au Louvre, à l’occasion de l’inauguration de l’exposition consacrée au peintre Eugène Delacroix (1798-1863). Une opportunité de parler de l’accord franco-saoudien pour le développement touristique et culturel de la région d'Al-Ula (nord-ouest) particulièrement riche en vestiges archéologiques. D'une durée de dix ans, il prévoit la création d'une agence dédiée sur le modèle de France Museum, qui a piloté la mise sur pied du Louvre Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis, inauguré en novembre dernier.

Gérard Mestrallet, président du conseil d'administration du groupe énergétique Engie aura vraisemblablement la charge de cette agence. Cité par l’AFP, il a dit de cet accord qu’il est «sans précédent». Il doit couvrir archéologie, offre culturelle et artistique mais aussi infrastructures, énergie, transports, formation et «tout ce que la France peut offrir en termes de valorisation du patrimoine». 

En revanche, la visite prévue à la station F, vaste incubateur d’entreprises de l’est parisien, créé par Xavier Niel co-propriétaire de Monde, a finalement été annulée. La Start-up nation se passera des pétro-dollars saoudiens.