Economie

Qui est donc l’oligarque ukrainien qui veut racheter les poulets Doux ?

Confronté à de graves difficultés financières, le groupe Doux, installé dans le Finistère, a besoin d'urgence d'un repreneur. A ce jour, seul le groupe ukrainien MHP s'est porté candidat. Il est dirigé par un proche du président Petro Porochenko.

Iouri Kosiouk est le fondateur et principal actionnaire du groupe agroalimentaire ukrainien MHP, unique candidat à la reprise du volailler breton Doux. Selon le dernier classement des milliardaires du magazine américain Forbes, il figure aujourd’hui à la troisième place, dans son pays natal. Dans sa rubrique Le saviez-vous…, le magazine américain précise : «Kosiouk se paye grassement via les dividendes et a utilisé du cash pour s’acheter des avions, un hélicoptère, un yacht et plusieurs voitures parmi lesquelles une Lamborghini.»


Le site ukrainien de la BBC, dans un article paru en 2015 et intitulé «La carte des oligarques ukrainiens et leur influence sur le pouvoir», le présente comme un proche de l’actuel président Petro Porochenko. Ce dernier, à peine élu, avait d’ailleurs nommé Iouri Kosiouk directeur adjoint de son administration en juillet 2014. Ce poste prévoit la supervision de l’équipement et de la logistique des structures dites «de force», soit la police, l’armée et les services secrets. Mais le roi du poulet ukrainien n’y est pas resté longtemps et, un mois plus tard, était nommé par décret conseiller hors-cadre du président.

Iouri Kosiouk, 49 ans, est né dans un village situé à 200 kilomètres au sud de Kiev. Il est diplômé de l’Institut national des techniques agroalimentaires et a commencé sa carrière comme négociant en meubles et matières premières. Après divers échecs, il rachète la minoterie Myronivsky qui donnera son nom au groupe. MHP est en effet l'acronyme de Myronivsky Hlebo Produkt, soit «Produits panifiés Mironovky». Dès l’année suivante il rachète et modernise Peremoga, une usine de production de viande de volaille et, en 2002, lance la première marque commerciale de volaille congelée Nacha Riaba.

Dans les années suivantes, il diversifie son activité dans l’élevage, la production de céréales et l’agroalimentaire jusqu’à bâtir un groupe intégré qui gère l’ensemble de la filière avicole depuis la production de céréales sur près de 370 000 hectares jusqu’aux réseaux de distribution en passant par l’abattage et la congélation.

Aujourd'hui, le groupe MHP est un concurrent direct de Doux qui revendiquait récemment la place de cinquième exportateur mondial de volailles. MHP est notamment très présent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, des marchés dont Doux a été progressivement évincé par la concurrence de productions à bas coûts, principalement en provenance du Brésil. 

Production en Ukraine, mais sociétés holding à Chypre et au Luxembourg

Les différentes activités du groupe de Iouri Kosiouk ont été regroupées en 2006 au sein de MHP S.A. domicilié au Luxembourg, avant une introduction au London Stock Exchange de la société Holding MHP SE domiciliée, elle… à Chypre. Les équipes dirigeantes de la coopérative Terrena, principal actionnaire des poulets Doux, et de l’ukrainien MHP négocient actuellement un programme de rachat de la marque française qui perd depuis deux ans environ 3 millions d’euros par mois.

En jeu : 1 200 emplois mais aussi le sort de 270 aviculteurs de la région Bretagne, sans parler de l’activité du port de Brest ou encore de la société de transport Le Calvez. Près de 5 000 emplois directs et indirects seraient menacés au point que, le 12 mars, le quotidien régional Le Télégramme n’hésite pas à titrer :

Reprise de Doux. Séisme social en vue

Le «dossier Doux» était l'une des priorités de Bercy lorsque Emmanuel Macron était encore ministre de l'Economie sous la présidence de François Hollande. En janvier 2015, il s'était même rendu sur les terres bretonnes de Doux, accompagné du député du Finistère Richard Ferrand, promettant que l'Etat serait toujours aux côtés de l'entreprise. Un représentant de MHP, cité par Reuters a pour sa part déclaré le 12 mars : «Des discussions sont en cours avec les différents actionnaires du groupe Doux, la coopérative agricole Terrena, le groupe saoudien Almunajem, mais aussi l’Etat et la Région, et une proposition a été adressée à Bercy en fin de semaine dernière.»

La prochaine étape est un nouveau comité d'entreprise extraordinaire le 21 mars prochain. La coopérative Terrena a pour sa part déjà fait savoir qu'elle ne pouvait plus soutenir les pertes de Doux et qu'une solution devait être trouvée au plus tard à la fin du mois.