Economie

Veillée d’armes avant la présentation du projet de loi SNCF

La bataille du rail aura-t-elle lieu ? Entre sondages sur le soutien des Français à la réforme par ordonnances de la SNCF et mobilisation des syndicats, le doute plane sur le risque d'une grève nationale de grande ampleur.

La ministre des Transports Elisabeth Borne doit présenter le 14 mars, en conseil des ministres, un projet de loi autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour lancer sa réforme de la SNCF. Un débat à ce propos est déjà prévu au Parlement à la mi-avril. Dès le 15 mars, les syndicats de cheminots devraient décider d’un mouvement de grève pour contrer ce projet. Aujourd'hui, le doute ne plane plus sur la probabilité d'une grève, mais sur sa durée et son ampleur.

La ministre a déjà reçu un courrier commun des quatre fédérations CGT, UNSA ferroviaire, Sud-Rail et CFDT daté du 7 mars en ce sens. Les fédérations syndicales disent se baser sur les recommandations du rapport Spinetta traitant de «L’avenir du transport ferroviaire» remis le 15 février au Premier ministre. Ils ont identifié cinq grands points de désaccord et anticipent un vraisemblable préavis de grève.

Parmi ces points figure, en première place, le refus de la transformation en sociétés anonymes par actions des trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) qui composent le groupe SNCF : SNCF, qui prend en charge le pilotage global du groupe, SNCF Réseau, qui gère, exploite et développe le réseau ferré français et SNCF Mobilités, pour le transport de voyageurs et de marchandises. Les quatre fédérations, sans surprise, remettent aussi par avance en cause la fin de l'octroi du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés. 

En d'autres termes, comme dans plusieurs entreprises publiques et notamment La Poste, devraient dorénavant coexister des salariés faisant le même travail, mais avec des avantages sociaux différenciés. Pour beaucoup ce serait un prélude à la fin du régime spécial de retraites des cheminots, déjà lourdement déficitaire en raison du décalage entre le nombre d'actifs cotisants (146 000) et celui des retraités (246 000 en 2016). En effet, les nouveaux embauchés ne cotiseraient plus à la Caisse de prévoyance et de retraite (CPR) du personnel de la SNCF. 

La mort annoncée de la caisse de retraite des cheminots

Si l’on en croit Le Canard enchaîné dans sa livraison du 7 mars dernier, c’est même sur cette mesure que compte le Premier ministre Edouard Philippe pour paradoxalement briser la mobilisation syndicale. Ainsi, il aurait déclaré :  «La grosse ficelle, c'est d'avoir dit que la fin du statut ne s'appliquerait qu'aux nouveaux embauchés. Les dirigeants de la CGT savent qu'ils ne pourront pas justifier de bloquer le pays, alors que le statut des cheminots actuellement en poste ne sera pas remis en cause.»

En plus d’un appel à manifester le 22 mars, Sud Rail, a déjà prévenu qu'il «exigera[it] de l’intersyndicale qu’elle fixe unitairement une date de départ en grève reconductible [...] pour exiger le retrait du pacte ferroviaire...». Quant à Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots, cité par Le Parisien le 26 février, il a lui aussi affiché la détermination de son syndicat en déclarant : «Pour faire plier le gouvernement, il va sans doute falloir un mois de grève.»

Reste à savoir si le gouvernement remportera son pari et saura éviter la répétition des grèves monstres de 1995 qui avaient paralysé le pays. Il est vrai qu'elles s'opposaient à des réformes sur la sécurité sociale et les retraites, qui concernaient plus directement l’ensemble des Français. 

Le projet de loi devrait rester vague dans l'immédiat

Par ailleurs, la méthode choisie par le Premier ministre pourrait gêner les syndicats, puisque la réforme de la SNCF devrait se faire par ordonnances pour introduire des amendements successifs et non par le biais d’une loi cadre. Ainsi, selon l’AFP, le gouvernement prévient déjà que le texte de loi présenté le 14 mars «devrait rester assez vague dans l'immédiat» etse contenter de «lister les thèmes des réformes», notamment la transcription dans la loi française de nouveaux textes européens sur l'ouverture à la concurrence d’ici 2020. Cette ouverture a en réalité déjà commencé dès 2003 pour le fret. 

En attendant, un sondage de l’institut Harris interactive pour la radio RMC et le site internet Atlantico.fr, publié le 26 février dernier, affirmait que 54% des Français se déclaraient favorables à ce que la réforme soit mise en œuvre en recourant aux ordonnances. Selon la même étude 69% approuvent par avance l’abandon du statut de cheminot pour les futurs salariés de la SNCF. Mais ils seraient aussi 43% à soutenir les manifestations et grève annoncées par les quatre syndicats du rail, contre 38% qui les désapprouvent.