Le député du groupe communiste Fabien Roussel ne manque pas d'humour, mais sa démarche est également destinée à alerter le public : le 5 décembre, il a interpellé à la tribune ses confrères de l'Hémicycle en leur expliquant qu'il avait créé une société offshore au cours du weekend pour démontrer l'inanité de la lutte contre l'évasion fiscale.
Après une simple recherche sur un Internet, l'élu a trouvé le site SFM-offshore.com et a aussitôt commencé à créer sa propre entreprise à Gibraltar : «Et là, on peut créer, commander une entreprise en deux minutes, c'est écrit ! Eh bien vous savez quoi, monsieur le ministre ? J'ai créé mon entreprise offshore ce weekend», a-t-il lancé à l'adresse de Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics.
Si l'Europe cherche où sont les paradis fiscaux, il suffit d'aller chercher sur ce site.
Puis, il a démontré la simplicité de l'ouverture du compte, glissant au passage une allusion à la liste noire des paradis fiscaux établie par l'Union européenne : «Ensuite, j'ai eu le choix d'enregistrer ma société dans un des 23 paradis fiscaux que me propose cette entreprise – si l'Europe cherche où sont les paradis fiscaux, il suffit d'aller chercher sur ce site. Au choix, c'est écrit : la Suisse, les Bahamas, Hong Kong, Singapour, Gibraltar, le Delaware, etc. Et après j'ai créé mon entreprise. J'ai choisi Gibraltar.»
Président : Gérald Darmanin, actionnaire principale : Amélie de Montchalin, Fabien Roussel aime les blagues bien léchées
Mais Fabien Roussel ne s'est pas arrêté en si bon chemin sur le sentier de la blague : «Il a fallu donner un nom : j'ai créé l'entreprise "ministère des Comptes publics". Il a fallu trouver un directeur et un actionnaire principal ; et là ils vous offrent deux options : ou ils vous nomment l'actionnaire et le directeur mais ça vous coûte plus cher, ou vous le nommez vous-même. Alors j'ai nommé comme directeur monsieur Gérald Darmanin, comme actionnaire principal madame Amélie de Montchalin [députée LREM spécialiste des finances], à 51% de l'entreprise.»
Le député du Nord n'a finalement pas poussé la démonstration jusqu'au bout et s'est arrêté avant de créditer la société dont il venait de préparer les statuts en ligne. Mais qu'importe, le message est passé : «Voilà la réalité de ce type de scandale fiscal, accessible à tous en un clic sur Internet, pour toute entreprise, pour tout contribuable français. Quand est-ce que l'on va s'attaquer véritablement à cette délinquance en col blanc, cette délinquance fiscale qui provoque des trous dans nos comptes publics ? [...] C'est un véritable scandale dans un pays civilisé !» a-t-il conclu.
Les Paradise Papers n'ont pas fini de faire parler d'eux
Le 5 novembre, un consortium réunissant 96 médias avait révélé les circuits d'optimisation fiscale qui seraient utilisés par les «super-riches». Il était aussi question d'une centaine de multinationales, dont Nike, Apple et Uber dans cette enquête baptisée «Paradise Papers». A l'appui de ces révélations : la fuite de 13,5 millions de documents financiers, provenant notamment d'un cabinet international d'avocats basé aux Bermudes, Appleby.