Economie

Cour des comptes : contrôler les médecins et le prix des médicaments pour combler le trou de la Sécu

La Sécurité sociale a accumulé une dette de plus de 150 milliards d'euros. Pour corriger la trajectoire, la Cour des comptes recommande de mieux contrôler le prix des médicaments, recourir à la télémédecine et encadrer l'installation des médecins.

Selon le dernier rapport de la Cour des comptes rendu public le 29 novembre, ceux de la Sécurité sociale s’améliorent. Mais c’est à peu près la seule bonne nouvelle que l’institution de la rue Cambon peut annoncer. Ainsi après un déficit record de près de 30 milliards d’euros en 2010, qui atteignait encore 10,3 milliards en 2015, ce dernier est retombé à 7 milliards en 2016.

Mais les sages modèrent ce constat, précisant que «le déficit est minoré par un produit exceptionnel de contribution sociale généralisée [CSG]  (740 M€) […] Corrigé de cette écriture, il atteint en réalité 8,5 milliards d'euros.»

De plus, ils rappellent que le régime général de protection sociale est en déficit continu depuis 17 ans et que la dette sociale, c'est-à-dire les déficits cumulés des organismes de Sécurité sociale (qui comprennent l’assurance maladie, mais aussi l’assurance vieillesse) atteignait la somme de 151 milliards d’euros à fin 2016. C’est 12% de la dette publique française, la part la plus importante étant tout de même à mettre au compte de l’Etat (78,3%), alors que celles des collectivités n’en représente que 9,7%.

Un déficit réel de 8,5 milliards en 2016 et plus de 150 milliards de dettes

En ce qui concerne la branche maladie, les perspectives sont celles d’une augmentation continue des dépenses. En effet, la population vieillit ce qui accroît les besoins en soins. D’autant plus que les progrès médicaux provoquent l’allongement de la vie au prix de traitements longs et de techniques de plus en plus coûteuses. Autrement dit l’augmentation des dépenses est structurelle.

Le système d’assurance maladie, créé en 1945 permet à la France d’afficher une espérance de vie parmi les plus élevées du monde à 83 ans, contre 84 pour le Japon, record mondial. En consacrant 11% de son PIB aux dépenses de santé, la quatrième proportion la plus élevée au monde à ex-aequo avec la Suède, la France fait mieux que les Etats-Unis qui consacrent plus de 17% de leur PIB à ces dépenses, mais n’offrent à leurs citoyens qu’une espérance de vie moyenne de 79 ans (43e place selon les données de la banque mondiale).  

Mais les sages déplorent une faible prévention avec un tabagisme et une consommation d’alcool élevée et une progression des décès liés à l’environnement (maladies respiratoires dues à la pollution) et à l’obésité. Ils observent aussi un creusement des inégalités géographiques dans l’accès aux soins. Il est six à huit fois plus difficile de trouver un dentiste, un gynécologue ou un ophtalmologue dans les territoires les moins bien dotés que dans ceux où ces spécialistes sont les plus nombreux. D’ailleurs, l’implantation des médecins est soumise à peu de contraintes, ce qui aboutit à une grande inégalité géographique d’accès aux soins, d’autant que l’offre semble créer la demande. Plus il y a de médecins plus on consulte, dans un décalage apparent avec les besoins réels. Enfin, la Cour des comptes déplore que les dépassements d’honoraires concernent désormais un spécialiste sur deux, allant jusqu’à 80% dans certaines spécialités comme les chirurgiens.

En fin de compte, la Cour des comptes alerte : «Face à l’augmentation structurelle des dépenses, la qualité et l’égalité d’accès aux soins ne pourront être maintenues ou renforcées qu’en réformant le système de santé […] grâce à une meilleure organisation, une meilleur gestion et des acteurs plus responsables.» Maintenues ou renforcées ? On se souvient que  lors d'un meeting à Nevers (Nièvre) le 6 janvier 2017, le candidat Emmanuel Macron avait annoncé qu'il mettrait en place le «remboursement à 100%» des lunettes et des prothèses auditives et dentaires «à horizon 2022». En ce qui concerne les seuls soins dentaires, la Cour des comptes estime que le montant des frais non remboursés a atteint en 2016 près de 5 milliards d'euros.  

2,6 milliards d’économies grâce à la télémédecine


Parmi les recommandations figure le recours à la télé-médecine. Le contrôle à distance de certains paramètres de santé pourrait permettre, grâce à une réduction du nombre de séjours hospitaliers, une économie de 2,6 milliards au titre de trois pathologies (diabète traité par insuline, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale) et d’un facteur de risque (hypertension artérielle).

Les médicaments pèsent lourdement sur le bilan avec des dépenses totales en 2015 de 38,3 milliards d’euros, dont 4,3 milliards à l’hôpital, intégralement pris en charge par l’assurance maladie. C'est apparemment la raison pour laquelle on demande de plus en plus souvent au patients de médecine ambulatoire d'acheter eux-mêmes leues médicaments. Or, la garantie de prix européens conduit à la fixation durable de prix élevés, désormais même pour certains médicaments présentant une faible «amélioration du service médical rendu» (ASMR). Les sages recommandent donc de fixer par la loi des obligations de révision du prix des médicaments, au bout de cinq ans pour les médicaments les plus innovants, au bout de trois ans pour les autres.

Une pression accrue sur la médecine libérale

Enfin, la Cour des comptes propose de plafonner les dépassements d'honoraires des médecins libéraux et de les forcer à s'installer dans certaines zones en utilisant l'arme du dé-conventionnement, synonyme de déremboursement pour les patients. Les magistrats conseillent en outre de lier «une partie des rémunérations des médecins» à leur participation à la permanence des soins, pour désengorger les urgences hospitalières.

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