On devait les enterrer. Ils sont plus rémunérateurs que jamais. Les paradis fiscaux demeurent un terreau fertile pour faire pousser les graines du profit. Surtout chez les banquiers. En 2014, les établissements de l’Hexagone ont réalisé cinq milliards d’euros de bénéfices dans ces pays à la fiscalité très avantageuse. Et vous allez constater qu’il n’y a nul besoin d’aller faire du business sur une île des Caraïbes pour se mettre à l’abri de l’impôt. Les voisins de la France savent se montrer très accueillants.
Un tiers de leurs profits internationaux
Dans le top 5 des destinations privilégiées, peu d’exotisme. Mis à part Hong-Kong (436 millions €) et Singapour (336 millions €), c’est le Luxembourg (1,71 milliard €), la Belgique (1,66 milliard €) et l’Irlande (272 millions €) qui remportent les faveurs des banques tricolores.
Les paradis fiscaux ne sont pas une mince affaire pour ces institutions financières. Les sommes qui y sont engrangées comptent pour un tiers de leurs profits internationaux (15,3 milliards €). Au niveau des plus fervents adeptes de l’optimisation fiscale, on retrouve BNP Paribas et la Société générale. En valeur absolue, ce sont elles qui font les bénéfices les plus importants (2,4 milliards € et 1,3 milliards €). Mais les auteurs du rapport ont déniché un autre chiffre intéressant. Si l’on tient compte de la part de bénéfices réalisés dans les paradis fiscaux, c’est le Crédit mutuel-CIC qui l’emporte haut la main. La banque, qui vante ses «engagements mutualistes» et sa «responsabilité sociale», y réalise 44% de ses profits.
Des avantages conséquents
Évidemment, la première motivation concerne les taxes. En plus de taux d’imposition inférieurs, certains pays permettent de négocier sa fiscalité. Le rapport indique que la Société générale ne paie aucun impôt en Irlande alors que le taux officiel est de 12,5%. Sans parler d’un monde financier qui ne comporte pas les mêmes règles : «L'opacité qui règne dans les paradis fiscaux peut permettre aux banques de contourner leurs obligations réglementaires et d'y mener des activités spéculatives.»
La fiscalité clémente n’est pas la seule motivation des établissements bancaires. Il apparaît que leurs activités sont en moyenne 60% plus lucratives dans ces pays de cocagne. Selon le rapport, «pour un chiffre d'affaires de 1 000 €, les banques dégagent 362 € de bénéfices dans les paradis fiscaux contre 227 € dans les autres pays». C’est encore moins en France : 227€.
La productivité semble jouer. Les banquiers des paradis fiscaux seraient beaucoup plus motivés que leurs homologues français. Ainsi, on apprend qu’un financier de Singapour est 42 fois plus productif qu’un de ses pairs basé à la Défense. En moyenne, les résultats sont 2,5 fois meilleurs.
Le top reste tout de même la filiale sans employés. Le travail d’investigation des ONG nous apprend qu’aux Bahamas, aux îles Caïman ou à l’île de Man, les filiales des banques françaises ne déclarent… aucun salarié ! Le rapport soulève des questions. Comment la filiale de BNP Paribas aux îles Caïman arrive-t-elle à faire fonctionner ses deux banques de détail sans employés ?
Les principaux concernés se défendent. Ils respecteraient scrupuleusement les listes officielles de l’OCDE et de la France. Le Crédit mutuel-CIC est catégorique : «Nous refusons de travailler avec les pays non coopératifs et nous dénonçons toutes les transactions suspectes à Tracfin.» Le Luxembourg, en tête des paradis fiscaux préférés des banques françaises, ne fait plus partie de la liste des pays non conformes de l’OCDE. Depuis la fin 2015…