Depuis l’annonce estivale de l'intention de scinder le groupe Atos en deux, des voix s’élèvent pour empêcher qu’un tel scénario ne se produise. Le 26 septembre, la Première ministre Elisabeth Borne a été interrogée à ce sujet dans l’hémicycle par le président du groupe des députés Les Républicains Olivier Marleix lors de la séance de questions au gouvernement.
«Nous sommes très attentifs à ce que les activités sensibles rassemblées dans l'entité Atos BDS disposent des moyens nécessaires pour poursuivre leur développement au sein d'une organisation qui assure la protection de nos intérêts», a assuré la cheffe du gouvernement face aux inquiétudes de l'opposition.
Un ton rassurant qui fait suite à une polémique relancée le 22 septembre, quand le site Mediapart révélait l’existence d’une plainte auprès du PNF pour «corruption active et passive» visant deux dirigeants d’Atos et le milliardaire tchèque Daniel Křetínský.
Une plainte émanant de la société de gestion Alix AM et s’inscrivant dans le cadre du projet de cession de l’activité de la société Tech Foundations, propriété d'Atos, à Daniel Křetínský, relate le site d'investigations. Les deux dirigeants d’Atos sont accusés de s’être assuré leur maintien en fonction et un plan d’intéressement «très généreux», en dépit des difficultés de l’entreprise.
L’Elysée craint la polémique
En août, des parlementaires avaient déjà dénoncé cette opération, 82 d’entre eux ayant même signé une tribune dans Le Figaro intitulée «Cessons de vendre nos fleurons les plus stratégiques à des puissances étrangères».
En toile de fond se joue ici la séparation de l’activité d’Eviden, qui regroupe le cloud et le secteur de la cybersécurité et des supercalculateurs, et de l’autre Tech Foundations qui est constitué des activités historiques du groupe de conseil et d’infogérance. Cette partie d’Atos devrait tomber dans l’escarcelle du milliardaire et magnat des médias, le tchèque Daniel Křetínský.
La tournure des événements inquiète au sommet de l’Etat, et selon Mediapart, Alexis Kohler, le secrétaire général de la présidence de la République, aurait dépêché deux commissaires du gouvernement auprès d’Atos. Toujours selon le média d'investigations, l’Elysée entendrait mettre «sous tutelle» le patron d’Atos Bertrand Meunier, dont la gestion de l’entreprise est mise en cause.
Au cœur de l’été, en l’espace de 15 jours, l’action Atos a perdu la moitié de sa valeur et les plus de 10 000 emplois que compte l’entreprise en France pourraient être menacés, ce qui a fait dire au ministre Bruno Le Maire au journal Marianne que son ministère serait «particulièrement attentif à la préservation de l’emploi et aux intérêts stratégiques de la nation» dans ce dossier.
Des inquiétudes sur la santé du groupe
Dans la tribune des parlementaires LR, c’est la «menace pour la souveraineté nucléaire de la France» qui était mise en avant, ainsi que la mauvaise santé de l’entreprise depuis le départ de son ancien PDG Thierry Breton, aujourd'hui commissaire européen. Après le départ de ce dernier en 2019 après dix dans l'entreprise, celle-ci a perdu plus de 80% de sa valeur en bourse et est devenue opéable.
L'hebdomadaire Marianne, propriété de Daniel Křetínský, pointe du doigt la responsabilité supposée de l’actuel commissaire européen qui témoignerait «d’un long savoir-faire en matière de destruction de grands noms de l’industrie tricolore, tels Thomson et France Télécom». Et le journal d’affirmer qu’à chaque fois l’ancien ministre français «s’éclipse avant que n’éclatent les orages».
Atos défend son opération
Aux sonnettes d’alarme parlementaires s’est ajouté un groupement de petits actionnaires, l’Udaac et le fonds CIAM, qui conteste le plan de division de l’entreprise. L’Udaac réclame l’ouverture d’«une enquête du fait de la gravité des multiples manquements, par Atos et ses dirigeants».
Une manœuvre qui agace la direction d’Atos, laquelle assure que «la critique systématique, injustifiée de la société et sa médiatisation orchestrée lui portent préjudice et fait le jeu des vendeurs à découvert». Le président du groupe Bertrand Meunier défend l’opération et se veut rassurant, notamment sur le fait que Daniel Křetínský n'aura «accès à aucune information classifiée en matière de défense».
Les inquiétudes autour de la vente d’Atos concernent indéniablement l’aspect sensible du secteur d’activité, mais soulèvent aussi des questions en termes de souveraineté avec l’entrée d’un actionnaire étranger.