«Nous ne doutons pas que notre chiffre d'affaires dépassera en 2023 les 2 000 milliards de roubles [soit 18 000 milliards d'euros], ce qui représente une croissance multipliée par deux en six ans», a indiqué Alexeï Likhatchov au président Poutine, ainsi que le rapporte le site du Kremlin.
Le directeur de Rosatom a précisé que «les investissements propres de Rosatom dépassaient 1 000 milliards de roubles [9 000 milliards d'euros], ce qui représente huit fois plus qu'il y a six ans». Toujours selon Alexeï Likhatchov, l'entreprise a embauché «100 000 personnes cette année, dont 60 000 travaillent à l'étranger, autant de Russes que de locaux».
Brillantes perspectives avec les pays amicaux... mais pas avec l'Europe
La collaboration s'est intensifiée avec les pays amicaux, en particulier la Chine, le Moyen-Orient et l'Afrique, où on observe «une hausse entre 60 et 70%», a-t-il ajouté.
En revanche, «compte tenu du contexte actuel, nous ne voyons pas de perspective particulière sur le marché européen, et pas seulement parce qu'ils nous sont inamicaux, mais parce que là-bas le potentiel de croissance est inexistant», contrairement aux marchés asiatiques et moyen-orientaux.
Un savoir-faire unique au monde
Leader dans l'exportation de centrales atomiques, la Russie travaille actuellement sur «22 projets», notamment en Biélorussie, en Egypte et au Bangladesh.
Le directeur de Rosatom a fait valoir que la raison de ce succès à l'international était les prouesses scientifiques de l'entreprise, développées en partenariat avec l'institut Kourtchatov de Moscou. Outre l'exportation de centrales nucléaires, la Russie reçoit de nombreuses demandes concernant le cycle du combustible nucléaire.
Alexeï Likhatchov met en avant que la Russie est aussi pionnière dans certaines technologies encore rares. Parmi celles-ci on peut mentionner le Tokamak, un dispositif de confinement magnétique inventé en Union soviétique dans les années 1950. Il permet de produire de l'énergie par fusion nucléaire. La Russie a également développé un établissement de médecine nucléaire, le centre Dmitri Rogatchov spécialisé dans le traitement des cancers infantiles, qui devrait commencer ses premiers essais «à l'automne».
Pour favoriser les échanges et le rayonnement du secteur nucléaire russe, Alexeï Likhatchov a évoqué la construction d'un centre international de formation nucléaire à Obninsk, à une centaine de kilomètres de Moscou. Une proposition approuvée par Vladimir Poutine.
Le nucléaire russe est pour l'heure encore à l'abri des sanctions occidentales. L'entreprise représente un tiers de toute la conversion mondiale d’uranium et 40% de l’enrichissement d’uranium dans le monde. En 2021, 20% de l'uranium utilisé dans l'UE provenait de Russie. Cinq États membres, dont la Slovaquie et la Bulgarie, possèdent des centrales nucléaires de fabrication russe, fonctionnant avec du combustible nucléaire russe. En 2022, outre la rénovation des réacteurs hongrois, Rosatom a lancé la construction de deux réacteurs en Slovaquie.
Cette prééminence du nucléaire russe a été reconnue par le think tank américain Energy Innovation Reform Project (EIRP) dans une analyse datant d'avril dernier. Il y était affirmé que la Russie était le «leader mondial sur le marché de l'exportation de produits nucléaires, Rosatom contrôlant près de la moitié du processus d'enrichissement d'uranium et 70% de l'exportation de réacteurs nucléaires». Le rapport concluait sur le constat que «réduire le poids global de Rosatom ne serait un défi ni rapide, ni facile, ni bon marché».