Dès le mois de juillet, la production pétrolière saoudienne diminuera de l’ordre d’un million de barils par jour, a déclaré le 4 juin le prince Abdelaziz ben Salmane, à l'issue d'une réunion à Vienne de l'Opep+ (les 13 membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole + leurs dix alliés conduits par la Russie).
Devant la presse, le ministre saoudien de l'Energie s'est félicité d'avoir ménagé «le suspense» avec cette mesure qu'il a qualifiée de «gâterie saoudienne», de «cerise sur le gâteau» pour «ramener la stabilité sur un marché» extrêmement volatil.
Par ailleurs, les baisses instaurées depuis début mai par neuf pays, dont Riyad, Moscou, Bagdad ou encore Dubaï, pour un total de 1,6 million de barils quotidiens, «sont étendues jusqu'à fin 2024», a précisé le vice-Premier ministre russe Alexander Novak.
Quotas de production : d'âpres négociations
Les négociations ont duré plusieurs heures, l'agence Bloomberg faisant état de divergences entre les 23 participants, qui représentent 60% de la production mondiale d'or noir. A l'issue de difficiles discussions, les Emirats arabes unis, désireux de pomper davantage, ont obtenu un relèvement de leur quota de production de brut pour 2024, selon le nouveau tableau publié par l'Opep. En contrepartie, l'Angola, le Congo et le Nigeria notamment, réticents dans un premier temps, ont vu un abaissement de leurs objectifs, qu'ils peinent à atteindre.
«Nous avons réussi à nous mettre d'accord», s'est félicité Bruno Jean-Richard Itoua, ministre congolais des Hydrocarbures. «On est très content», a-t-il insisté. Le geste de Riyad intervient alors que les cours ont dévissé ces derniers mois, malgré l'annonce inattendue début avril de coupes drastiques.
Cette stratégie a de fait échoué à faire remonter les prix dans un marché déprimé par les craintes de récession économique mondiale, les hausses des taux des principales banques centrales et la laborieuse reprise de la demande en Chine au sortir des restrictions anti-Covid.
Le Brent, référence du brut en Europe, s'échange actuellement à 76 dollars le baril, et son équivalent américain, le WTI, à 71 dollars, loin des sommets enregistrés en mars 2022 au début du conflit en Ukraine (près de 140 dollars).
«Une décision commune prise dans l'intérêt du marché», selon le vice-Premier ministre russe
Tandis que des signes de discorde entre Riyad et Moscou menaçaient de perturber la rencontre, «l'Opep+ a affiché un front uni», a commenté pour l'AFP Giovanni Staunovo, analyste d'UBS. «Ils ont à l'évidence des vues divergentes, mais ils ont démontré qu'ils savaient travailler ensemble».
«Nous n'avons pas eu de désaccords. C'est une décision commune prise dans l'intérêt du marché», a assuré Alexander Novak. Malgré ses engagements, la Russie est réticente à resserrer davantage les vannes d'or noir. En outre, Moscou ne profiterait guère d'un renchérissement des cours. Du fait des sanctions occidentales, seul le pétrole russe à un prix égal ou inférieur à 60 dollars peut continuer à être livré. Au-delà de ce plafond, il est interdit aux entreprises de fournir les services permettant le transport maritime (fret, assurance, etc.).
«En revanche, l'Arabie saoudite a besoin de prix plus élevés pour équilibrer son budget», explique Barbara Lambrecht, de Commerzbank, qui évoque un seuil de rentabilité autour des 80 dollars le baril.
Après l'annonce de Riyad, les analystes s'attendent à «une réaction positive du marché», selon Tamas Varga, de PVM Energy. A plus long terme toutefois, «un repli de la demande sous la pression inflationniste pourrait annuler l'effet de cette diminution de l'offre». L'alliance a d'ores et déjà prévenu qu'elle convoquerait une réunion en urgence «si nécessaire». Pour l'heure, le prochain rendez-vous dans la capitale autrichienne a été fixé au 26 novembre.