Pour la première fois en plus de 60 ans, la population chinoise a enregistré une baisse l'an passé, selon des chiffres annoncés ce 17 janvier par le Bureau national des statistiques (BNS). Cette chute s'annonce durable, peut-être jusqu'à la fin du siècle, selon des démographes, ce qui pourrait affecter l'économie et le système de retraites.
L'Inde devrait détrôner dès cette année la Chine en tant que pays ayant le plus d'habitants, avait déjà annoncé l'ONU.
A l'image de nombreuses autres nations, les Chinois étaient autrefois connus pour leurs familles nombreuses. Cette donnée a changé avec la politique de l'enfant unique mise en place de 1979 à 2015 par le parti communiste pour mettre un frein à la croissance démographique, avec quelques exceptions notamment en milieu rural : si elle a effectivement réduit la taille des familles, ce fut au prix d'un grave déséquilibre dans les naissances entre hommes et femmes. La population a malgré cela doublé depuis les années 1960, pour dépasser 1,4 milliard d'individus aujourd'hui.
Mais malgré l'assouplissement progressif de la politique de limitation des naissances, jusqu'à sa disparition pure et simple, la natalité n'a jamais connu de rebond : en 2022, le nombre de naissances aura été de seulement 9,56 millions en Chine continentale, d'après le BNS. En parallèle, 10,41 millions de décès ont été recensés. La combinaison des deux phénomènes a produit une baisse de la population (moins 850 000 personnes).
C'est une première depuis 1960-1961, lorsqu'une famine, entamée en 1959, avait fait des dizaines de millions de morts.
Un défi pour l'économie chinoise ?
Le coût de la vie a fortement augmenté avec l'industrialisation de la Chine, tout comme celui de l'éducation d'un enfant. Le niveau d'études plus élevé des femmes repousse également l'âge des premières grossesses.
«Il y a aussi l'habitude désormais d'avoir des petites familles, en raison de la politique de l'enfant unique en vigueur pendant des décennies», déclare à l'AFP Xiujian Peng, chercheuse spécialiste de la démographie chinoise à l'Université de Victoria (Australie).
En 2019, l'ONU pensait encore que la Chine n'atteindrait son pic de population qu'en 2031-2032. Mais depuis, le taux de fécondité s'est écroulé à 1,15 enfant par femme en 2021, loin derrière le seuil de renouvellement des générations (2,1).
«Le déclin et le vieillissement de la population [...] auront un impact profond sur l'économie chinoise, d'aujourd'hui à 2100», analyse Xiujian Peng. «La baisse de la population active est synonyme de coût du travail plus élevé», ajoute-t-elle, estimant que cela «affectera la compétitivité de la Chine sur le marché mondial».
Selon les projections de son équipe, sans réforme du système de retraite, le paiement des pensions pourrait représenter 20% du PIB en 2100 – contre 4% en 2020.
«La pression sur les actifs pour assurer les soins des personnes âgées sera croissante», déclare à l'AFP le démographe indépendant He Yafu.
Des primes pour inciter à faire des enfants
Au niveau local, de nombreuses mesures ont été prises pour inciter les couples à procréer.
La métropole de Shenzhen (sud) offre par exemple depuis quelques jours une prime à la naissance et des allocations versées jusqu'aux trois ans de l'enfant. Un couple accueillant son premier bébé recevra d'office 3 000 yuans (410 euros), voire 10 000 yuans (1 370 euros) s'il s'agit du troisième. Au total, une famille avec trois enfants percevra 37 500 yuans (5 150 euros) de primes et allocations.
La province du Shandong (est) offre 158 jours de congés maternité, soit 60 de plus que la norme nationale, dès le premier enfant.
La métropole de Changsha (centre), qui limite les achats de logement pour enrayer la spéculation, autorise les couples à deux ou trois enfants à acheter un appartement supplémentaire.
Des mesures suffisantes ? «Il faudrait surtout [que le gouvernement] affirme clairement qu'il n'y a plus de limite aux naissances, afin de recréer une véritable culture de la natalité», juge He Yafu.
«Un ensemble complet de mesures couvrant l'accouchement, la parentalité et l'éducation est nécessaire pour réduire le coût de l'éducation d'un enfant», estime Xiujian Peng.
La population chinoise pourrait décliner chaque année de 1,1% en moyenne, selon une étude de l'Académie des sciences sociales de Shanghai dont les données ont été transmises à l'AFP.
La Chine pourrait n'avoir que 587 millions d'habitants en 2100, soit moins de la moitié qu'aujourd'hui, selon les projections les plus pessimistes de ces démographes.