Dévoilée le 23 décembre à la veille de Noël, l’une des dispositions de la nouvelle réforme de l'assurance chômage contenue dans un projet de décret, à savoir une réduction de la durée d'indemnisation de 40% si le chômage passe sous la barre des 6%, a déclenché la colère tant des syndicats que des partis de gauche.
Les syndicats dénoncent une «punition collective» des plus précaires
Les organisations syndicales ont tout d'abord fustigé la méthode retenue par le gouvernement. «Ce n'est pas acceptable de faire une annonce le 23 décembre sans échanges et sans concertation. C'est vraiment de très mauvais goût», a déploré le président de la CFTC Cyril Chabanier sur BFM Business. «Nous sommes encore une fois mis devant le fait accompli, nous n’avons jamais été consultés sur ce scénario», a souligné auprès des Echos Michel Beaugas, pour Force ouvrière (FO).
Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a dénoncé pour sa part «la pure déloyauté» dont a fait preuve selon lui le gouvernement en introduisant en catimini cette nouvelle disposition, tout en faisant mine d'accorder de l'importance au dialogue social. Le syndicat réformiste a dénoncé dans un communiqué «un nouvel arbitrage encore une fois en défaveur des plus fragiles».
«Il y a eu la première lame, avec la réforme de 2021 qui a réduit l'indemnisation des chômeurs, il va y avoir la deuxième lame, le 1er février, avec la baisse de 25% de la durée d'indemnisation, et le gouvernement prévoit déjà la troisième lame qui va couper encore plus les droits des demandeurs d'emploi», a énuméré auprès du même quotidien Denis Gravouil, pour la CGT.
«Le gouvernement prend des décisions idéologiques et déconnectées de la réalité de terrain, en partant du postulat que les chômeurs le sont un peu par leur faute», a condamné le président de la CFE-CGC François Hommeril sur France Inter, s'insurgeant contre une mesure relevant à ses yeux de «la punition collective».
La Nupes promet des mobilisations à la rentrée
«C’est le gouvernement du père fouettard !», a critiqué le leader du parti socialiste Olivier Faure, en utilisant le même registre. Il a souhaité, ironiquement, un «Joyeux Noël aux précaires, aux jeunes, aux intérimaires, aux mères célibataires…».
«Le Père Noël est une ordure 2», a réagi le leader des communistes Fabien Roussel, ne goûtant guère le cadeau gouvernemental déposé sous le sapin.
«Joyeux Noël à tous !!! Sauf aux membres du Gouvernement qui ont préparé un beau cadeau aux Français cette année : la baisse de 40% de la durée d’indemnisation du chômage», s’est indignée la députée LFI Alma Dufour.
«Taper sur les plus faibles, s'asseoir sur les votes démocratiques... une méthode, un mantra», a dénoncé, à l'unisson des critiques de la CFDT, la députée écologiste Sandra Regol. En évoquant aussi le climat et la réforme des retraites, elle a assuré que des mobilisations auraient lieu en janvier «pour nos droits».
Le texte envoyé par le gouvernement le 23 décembre prévoit, comme annoncé, une baisse de 25% de la durée d'indemnisation pour tous les demandeurs d'emploi à partir du 1er février en métropole.
Fait nouveau, il envisage aussi qu’avec un taux de chômage sous les 6% (contre 7,3% actuellement), la durée d’indemnisation soit réduite de 40% et non de 25%. La fiche de présentation du décret précise que «les conditions d'application de cette disposition sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat pris après concertation» avec les partenaires sociaux.
En présentant la réforme à l’automne, le ministre du Travail Olivier Dussopt avait évoqué la possibilité d'un durcissement, mais en cas de chômage inférieur à 5%, soit le niveau auquel il estimait qu'on pouvait parler de «plein emploi».
Pour les demandeurs d'emploi qui verront leur durée d'indemnisation réduite en février, le document prévoit, comme annoncé, un «complément de fin de droits» en cas de dégradation du marché du travail, si le chômage dépasse 9% ou s'il augmente de 0,8 point ou plus sur un trimestre. Le texte confirme aussi que certaines populations sont exclues de la réforme comme les intermittents du spectacle, les marins-pêcheurs ou les dockers.
Au sujet du «bonus-malus» appliqué à la cotisation des entreprises de sept secteurs grands consommateurs de contrats précaires, dont la restauration, le texte prolonge jusqu'au 31 août 2023 la première modulation qui a débuté le 1er septembre 2022. Il établit une seconde période du 1er septembre 2023 au 31 août 2024, en réintégrant les entreprises très touchées par la crise sanitaire qui avaient été exclues pendant un temps du dispositif.
Le projet de décret de 12 articles a été transmis aux membres de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) dont l'avis est consultatif. Ils examineront le texte le 10 janvier, date à laquelle doit également être présentée la réforme des retraites, après le report surprise décidé par Emmanuel Macron mi-décembre. Une manifestation a d'ores et déjà été programmée le 21 janvier pour s'opposer à ce projet, présenté par la majorité comme un chantier majeur du quinquennat.