Economie

Royaume-Uni : les infirmières se mettent en grève pour la première fois depuis un siècle

Les infirmières britanniques vont se mettre en grève les 15 et 20 décembre, un mouvement inédit en 106 ans. Mais les mouvements sociaux affectent de nombreux autres secteurs qui n'en n'avaient pas connus depuis des décennies

Le Royal College of Nurses (RCN), syndicat des infirmières, a annoncé ce 25 novembre deux jours de grève les 15 et 20 décembre après «le rejet de négociations de la part du gouvernement». «Les infirmières en ont assez», a résumé Pat Cullen, la secrétaire générale du syndicat. «Assez des bas salaires, [...] assez de ne pas pouvoir donner aux patients les soins qu'ils méritent», a-t-elle ajouté pour défendre ce mouvement social inédit depuis 106 ans. 

Selon des estimations, le salaire réel des infirmières a chuté de 20% depuis 2010, notamment en raison de l'actuelle crise du coût de la vie, avec une inflation supérieure à 11%. Le salaire annuel d'une infirmière débutante est de 27 000 livres bruts (31 400 euros). 

Mais le ministre de la Santé Steve Barclay cité par l’AFP a répondu que c’était «une période difficile pour tout le monde» et que le gouvernement ne pouvait pas répondre aux demandes «inabordables » du RCN, qui représentent selon lui une augmentation salariale de 19,2%, soit 10 milliards de livres supplémentaires par an. 

Un hôpital sur quatre aurait mis en place des banques alimentaires pour soutenir le personnel

Sur la BBC, Pat Cullen a contesté ces chiffres et déclaré : «Nos économistes ont travaillé dur sur nos chiffres. Si monsieur Barclay [...] souhaite arrêter de tourner autour du pot et veut discuter, il peut éviter ces grèves. Ma porte est grande ouverte, nuit et jour.» A quoi le ministre  Barclay a répondu par un tweet que lui aussi «gardait [sa] porte ouverte au RCN s'ils veulent discuter». 

Un hôpital sur quatre a mis en place des banques alimentaires pour soutenir le personnel, selon NHS Providers, qui représente les groupes hospitaliers en Angleterre. «On est épuisés. On en a marre. On a besoin d'une augmentation pour vivre», explique à l'AFP Ameera, une infirmière dans un hôpital londonien qui a voté la grève.

«Je pense qu'on doit accepter le fait qu'une grève de deux jours n'est pas vraiment le problème. Le problème, ce sont des années et des années de sous-financement», a renchéri sur Sky News Patricia Marquis, à la tête de RCN en Angleterre. 

Le système de santé public (NHS), sous-financé depuis des années, est plongé dans une grave crise. Le gouvernement a annoncé une augmentation du budget du NHS de 3,3 milliards de livres en 2023 et 2024. Selon le RCN, en Angleterre, 47 000 postes d'infirmières ne sont pas pourvus. L'an dernier, 25 000 infirmières ou sages-femmes qui travaillaient dans le public ont claqué la porte. Et plus de sept millions de personnes attendent de recevoir un traitement dans les hôpitaux anglais, un niveau record. 

Mouvements chez les avocats, les postiers, les enseignants

Mais le mouvement social ne frappe pas que le secteur de la santé. De nombreux autres employés des secteurs public et privé, des avocats au transports, ont également fait grève cette année. En Ecosse, les enseignants étaient en grève le 24 pour réclamer des augmentations. Des salariés des universités ont également arrêté de travailler les 24 et 25. 

Les postiers ont prolongé leur mouvement de grève jusqu'à 2023, ce qui pourrait affecter la distribution du courrier et des colis pendant la période des fêtes de fin d'année. 

«Les dernières grandes grèves remontent aux années 1970 et 1980, mais elles touchaient alors principalement le secteur privé et l'industrie. Là, c'est surtout le secteur public», rappelle à l'AFP Pippa Catterall, professeure d'histoire à l'université de Westminster, elle-même gréviste. 

«Les gens sont sous pression depuis longtemps. Ce n'est pas seulement les salaires, mais aussi la charge de travail», poursuit-elle expliquant qu’avec une inflation record, «les gens sont de plus en plus irrités par les mesures cosmétiques annoncées par les employeurs et le gouvernement».