Afrique

Une ONG allemande porte plainte contre TotalEnergies pour «complicité de crimes de guerre» au Mozambique

Le géant français de l’énergie est accusé d’avoir financé et soutenu des militaires qui auraient commis des meurtres et des actes de torture contre des civils entre juillet et septembre 2021, près du site du projet gazier Mozambique LNG.

Le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) a déposé une plainte contre TotalEnergies pour « complicité de crimes de guerre, torture et disparitions forcées » au Mozambique, sur le site de son projet gazier. Le géant français de l’énergie est accusé de financement et de soutien matériel direct de la Joint Task Force (JTF), composée de forces armées mozambicaines, qui auraient détenu, torturé et tué des dizaines de civils sur son site gazier au Mozambique entre juillet et septembre 2021, rapporte l’AFP ce 18 novembre, citant un communiqué de presse de l’ONG.

Les exactions auraient eu lieu à l’entrée du site du projet gazier Mozambique LNG, dont TotalEnergies est le premier actionnaire (26,5 %) et l’opérateur, et qui était alors en pause après une attaque djihadiste meurtrière en mars-avril 2021 sur la ville voisine de Palma au nord du pays.

Demande d'ouverture d'une enquête préliminaire

Selon la preuve de dépôt consultée par l’AFP, une plainte « contre X » a été transmise lundi au parquet national antiterroriste (Pnat) à Paris. Pour sa part, Clara Gonzales, directrice du programme entreprises et droits humains à l’ECCHR, a déclaré qu’« Il apparaît impensable que TotalEnergies puisse opposer son ignorance des crimes de l'armée mozambicaine, mais aussi plus particulièrement des accusations de violations des droits humains visant la Joint Task Force, dès lors que la société les rapporte elle-même dans plusieurs documents internes transmis à ses financeurs publics ».

En vue de la gravité des faits et des liens que TotalEnergies entretenait avec ces forces locales, « il est évidemment important qu'une enquête préliminaire puisse être ouverte », a expliqué Clara Gonzales, ajoutant que « cette enquête préliminaire permettra de déterminer ce qui s'est réellement passé, ce que TotalEnergies savait ou ne savait pas ». Cette plainte fait suite à des allégations rapportées par le média Politico en septembre 2024, puis par SourceMaterial et Le Monde, mais que TotalEnergies conteste.

Une première plainte déposée en 2023

Des survivants et des proches des victimes de l'attaque de Palma, par le groupe terroriste al-Chabab en mars et avril 2021, ont déjà déposé une première plainte en 2023 contre TotalEnergies, qui, selon les plaignants, n’aurait pas assuré la sécurité de ses sous-traitants ciblés et tués pour certains d’entre eux lors de l’attaque.

Selon la presse française, le procureur de Nanterre a ouvert une enquête préliminaire en mars 2025 pour « homicide involontaire » et « non-assistance à personnes en danger », des accusations « fermement » rejetées par TotalEnergies, qui a rappelé, par voie de communiqué publié en octobre 2023, « l'aide d'urgence que les équipes de Mozambique LNG ont apportée et les moyens qu'elles ont mobilisés afin de permettre l'évacuation de plus de 2 500 personnes (civils, personnel, contractants et sous-traitants) du site d'Afungi ».

Exactions contre les civils

D’après l’enquête de Politico, les soldats qui travaillaient sur le site gazier avaient intercepté et enfermé, lors de leur contre-offensive pour reprendre le contrôle de Palma, entre 180 et 250 hommes dans des conteneurs, accusés de soutenir les terroristes. Durant trois mois, les détenus ont été battus, affamés et torturés, ne laissant que 26 survivants, selon l'enquête du journaliste Alex Perry, sur la foi de témoignages.

Concernant ces allégations, la société du projet gazier Mozambique LNG avait affirmé n'avoir « jamais reçu d’information indiquant que de tels événements aient effectivement eu lieu ».

De leur côté, Le Monde et SourceMaterial avaient allégué en novembre 2024 que TotalEnergies était au courant, dès avril 2021, des accusations d'actions violentes perpétrées par la JTF contre des civils, selon des rapports sociaux rédigés par les équipes de Mozambique LNG et transmis à l’agence italienne de crédit à l’exportation (SACE), l'un des financeurs publics du projet.

Nouveaux éléments contre TotalEnergies

Selon l’ECCHR, « TotalEnergies a continué de soutenir directement la JTF en fournissant aux soldats des logements, de la nourriture, du matériel et des primes [...] conditionnées au respect des droits humains ».

Ces accusations sont désormais étayées par de « nouveaux documents » obtenus auprès des autorités néerlandaises à propos d'échanges entre l'agence hollandaise de crédit à l'export publique Atradius DSB, TotalEnergies et son prestataire de sécurité, évoquant dès mai 2020 des risques d'atteintes aux droits humains des forces armées locales.