Afrique

«La France est le vrai prédateur» : des personnalités politiques africaines commentent à RT les propos de Macron sur la Russie

Les propos d’Emmanuel Macron à l’encontre de la Russie – qu’il a dépeinte comme «un prédateur, un ogre à nos portes» – ont vivement fait réagir auprès de RT des personnalités politiques africaines, qui perçoivent dans ces accusations élyséennes un descriptif du comportement de Paris à l’égard de leur continent.

« C’est l’hôpital qui se moque de la charité », a réagi auprès de RT Serge Espoir Matomba, fondateur et Premier secrétaire du parti Peuple uni pour la rénovation sociale (PURS), après la diffusion d’une interview d’Emmanuel Macron accusant la Russie d’être un « prédateur », un « ogre » aux portes de l’Europe.

« Quand on sait ce que la France a fait en Afrique, quand on sait ce que la France a mené comme combats et dominations en Afrique, on a envie de se poser la question : "qui est le vrai prédateur ?" », a poursuivi cet homme politique et entrepreneur camerounais, renvoyant notamment à la lettre adressée cet été par Emmanuel Macron à son homologue camerounais Paul Biya.

Une lettre rendue publique mi-août, dans laquelle le locataire de l’Élysée reconnaît qu’« une guerre » a eu lieu au Cameroun entre 1955 et 1971 et au cours de laquelle « les autorités coloniales et l’armée française ont exercé plusieurs types de violences répressives dans certaines régions du pays ».

« Comment ce pays peut-il qualifier aujourd’hui la Russie de pays prédateur ? », a insisté Serge Espoir Matomba. « Qui est aujourd’hui le pays qui embrigade plusieurs pays africains francophones ? C’est la France, ce n’est pas la Russie, ce n’est pas un autre pays ! », a-t-il enchaîné.

« La France est le vrai prédateur, c’est le pays qui s’est nourri du sang de ses anciennes colonies africaines », a également réagi Aliou Tounkara, député du Conseil national de transition du Mali.

Dans une interview à TF1-LCI, enregistrée après la rencontre à la Maison Blanche entre Donald Trump et les principaux dirigeants européens, Emmanuel Macron a dépeint la Russie comme un pays qui « pour sa propre survie » aurait « besoin de continuer de manger ». « Et donc c’est un prédateur, c’est un ogre à nos portes », avait-il poursuivi, évoquant une « menace pour les Européens ».

« La France se bat contre la souveraineté des pays africains »

Au cours de cet exercice audiovisuel, le président français a par ailleurs accusé son homologue russe Vladimir Poutine d’avoir « rarement tenu ses engagements » et d’avoir « constamment été une puissance de déstabilisation » cherchant « à revoir les frontières pour étendre son pouvoir ».

« Quand on veut parler de promesses ou d’engagements, la France est mal placée pour en parler », a réagi sur ce point Serge Espoir Matomba, évoquant l’« engagement d’indépendance non respecté » par Paris à l’égard des nations africaines.

« Les pays africains aspirent à une véritable souveraineté, la France se bat contre la souveraineté des pays africains », a martelé l’homme politique camerounais, pointant notamment du doigt le franc CFA, cette monnaie « contrôlée par la Banque de France, qui est un véritable poste de péage scandaleux sur les économies africaines ! », a abondé Franklin Nyamsi, président de l’Institut de l’Afrique des Libertés.

« Cela s’est traduit par l’immixtion dans la désignation des dirigeants africains, y compris par des fraudes électorales, des violations constitutionnelles, des coups d’État sanglants et des manipulations de l’opinion, qui, pendant très longtemps, ont empêché plusieurs pays africains de poursuivre le chemin de la liberté et du droit fondamental des peuples à disposer d’eux-mêmes », a poursuivi Nyamsi.

« Nous sommes choqués », a-t-il enchaîné, « d’entendre de la bouche du président français, décrivant l’action de la Russie qui se défend contre l’avancée de l’OTAN à travers l’Ukraine – une avancée qui menace sa sécurité, comme l’a reconnu le défunt pape François – une terminologie qui est une autodescription du néocolonialisme, du colonialisme français, appliquée à la Russie, avec laquelle les Africains n’ont pas cette expérience de traite négrière, de colonisation et d’impérialisme ».

De Kadhafi à aujourd’hui : la responsabilité française pointée

Une « politique d’immixtion, d’ingérence, du néocolonialisme émanant de l’Élysée », également dénoncée par Laddy Yangotikala Senga, député national à l’Assemblée nationale congolaise. « C’est lui qui s’ingère dans la gouvernance des différentes institutions africaines », a-t-il fustigé. « La preuve en est que le Burkina Faso, le Mali, le Niger ne veulent même plus entendre parler d’Emmanuel Macron ».

« C’est eux », a poursuivi l’élu congolais, égratignant également l’héritage des mandats présidentiels de François Hollande (2012–2017) et de Nicolas Sarkozy (2007–2012), « qui sont à l’origine de la déstabilisation de la partie nord de l’Afrique ».

« Ils ont tué Kadhafi, qu’est-ce qu’est devenue la Libye aujourd’hui ? », a-t-il interpellé, estimant qu’il faut « arrêter de chercher des boucs émissaires lorsqu’on a échoué dans sa politique intérieure », et renvoyant au statut d’Emmanuel Macron de président le plus impopulaire de la Ve République.