La situation du paludisme au Zimbabwe a atteint un niveau critique. Selon les dernières données de l’Africa CDC – le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies – publiées le 23 juillet, le pays a recensé 111 998 cas suspects et 310 décès à la semaine épidémiologique 23, contre 29 031 cas et 49 décès un an plus tôt. D’autres chiffres communiqués par le ministère de la Santé évoquent même 119 648 cas et 334 morts.
Cette résurgence est liée à plusieurs facteurs. D’après l’épidémiologiste Memory Mapfumo de l’Africa CDC, « des pluies prolongées, une faible utilisation des moustiquaires imprégnées et l’exposition accrue due à des activités comme l’orpaillage ou la pêche » expliquent cette montée des cas. Les zones les plus touchées sont Mashonaland Central, avec 32 % des cas, et Manicaland, avec 25 % des décès. En tout, 115 des 1 705 structures sanitaires du pays sont affectées, mettant en péril un système de santé déjà fragile.
Propagation régionale et impact du changement climatique
Le Zimbabwe n’est pas un cas isolé. Le paludisme se propage dans toute l’Afrique australe. En Namibie, 89 959 cas et 146 morts ont été recensés depuis novembre 2024. Le Botswana a connu une hausse de 218 à 2 223 cas en un an, avec 69 % des cas concentrés dans la région de l’Okavango. L’Eswatini, malgré sa phase d’élimination, a signalé 187 cas, majoritairement parmi les enfants et les agriculteurs travaillant de nuit sans protection.
Le phénomène est accentué par les effets du dérèglement climatique. Selon Merawi Aragaw, responsable de la surveillance sanitaire à l’Africa CDC, « l’augmentation des températures et des précipitations élargit les zones de présence du moustique vecteur ». L’expansion du paludisme dans des zones jusque-là épargnées impose une réponse transnationale urgente.
Conséquences des coupes américaines et appel à l’autonomie
Un autre facteur aggravant est la suspension de l’aide américaine décidée en janvier dernier par Donald Trump. Cette mesure a provoqué un arrêt brutal du soutien aux programmes de lutte contre le paludisme, entraînant une pénurie de 600 000 moustiquaires malgré les efforts du ministère zimbabwéen qui en a distribué 1,6 million.
Les cas auraient augmenté de 180 % au premier trimestre de cette année et les décès de 218 %. Le retrait de cette aide a également affecté la recherche scientifique, notamment le programme entomologique de l’Université d’Afrique à Mutare, essentiel pour la stratégie nationale. « Si nous obtenons les fonds, nous pouvons reprendre la lutte immédiatement », affirme le professeur Sungano Mharakurwa.
Les enfants de moins de cinq ans représentent 14 % des cas. Cette situation menace les efforts déployés depuis 20 ans pour éradiquer la maladie. Face à cette crise, des voix locales appellent à l’autonomie financière. L’ancien ministre de la Santé, Henry Madzorera, exhorte à utiliser « les ressources fiscales pour la santé publique » et réduire la dépendance aux bailleurs étrangers.
Le Zimbabwe, engagé à éliminer le paludisme d’ici 2030, devra désormais avancer avec ses propres moyens, sans compter sur les financements occidentaux interrompus du jour au lendemain.