Afrique

RT peut participer à éveiller la conscience de la jeunesse africaine, estime Ibrahim Traoré

Le président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé à Moscou pour participer au défilé du jour de la Victoire, était l’invité spécial de la Grande Interview, avec Igor Kourachenko. En voici des extraits qui traduisent la vision et la conception du chef d’État burkinabè sur les questions les plus importantes du moment.

« Mon plus grand regret, c'est d'avoir passé une bonne partie de ma jeunesse à écouter des radios comme RFI France 24 »

La Russie a contribué à sauver le monde, l'Afrique a contribué à sauver le monde. Il faut le dire. Il faut que les jeunes le comprennent. Tout ce qui se raconte dans les films de Hollywood, c'est faux. Ce n'est que du mensonge. C'est la même chose. La guerre du Vietnam. Aujourd'hui, on le voit, l'histoire est tronquée. Mais il faut communiquer. Vous voyez, moi, ils n'aiment pas que je parle. On trouve que je parle trop. Pour que je me taise, pour qu'eux, ils parlent et que leur version passe.

Moi, mon plus grand regret, c'est d'avoir passé une bonne partie de ma jeunesse à écouter des radios comme RFI, France 24. J'ai été dans des pays où ces radios étaient fermées. Mais on prenait des applications, on enregistrait leurs journaux pour écouter. Mais à partir d'un moment, il y a un déclic, et je commence à comprendre qu'ils conditionnent nos cerveaux pour accepter ce qu'ils veulent. C'est leur narratif qu'ils veulent qu'on apprenne. Et depuis ce temps, moi, je commence à faire la part des choses et j'ai compris que c'est très dangereux ce qu'ils font. Et aujourd'hui, plus que jamais, je me rends compte qu'ils ont conditionné l'esprit, surtout des Africains. Donc, vous pouvez participer beaucoup à éveiller la conscience de la jeunesse pour que les gens comprennent comment fonctionne le monde et ne pas se laisser embarquer par ces gens-là.

Recul de l’influence française : « Une conception paternaliste de nos relations »

Je pense que c'est eux-mêmes qui ont contribué à baisser leur influence, parce qu'ils ont une conception paternaliste de nos relations.

Vous voyez, quand vous prenez tout de suite tout ce qu'on fait, tout ce qu'on prend comme initiative, c'est la Russie. Si quelqu'un parle, ils sont influencés par la Russie. Tout ce qui s'est passé, c'est la Russie. Pourquoi ils ont les yeux fermés comme ça ? Donc, l'Africain n'est pas capable de développer quelque chose. L'Africain n'est pas capable d'inventer, d'innover, de prendre des initiatives. C'est ça que nous combattons. Et tant qu'ils vont continuer de voir l'Africain comme ça, comme un sous-homme qui n'est pas capable de réfléchir, qui n'est pas capable d'innover, capable d'inventer, on ne pourra jamais être amis. Les époques ont changé. Donc, c'est la vision même qu'ils ont du noir. Il faut qu'ils arrêtent ça. En nous traitant comme ça, c'est comme s'ils voyaient le noir comme un sous-homme. Là, c'est dangereux. Il faut qu'ils changent de langage.

« Les médias occidentaux, vous les écoutez souvent, ils ne passent leur temps qu’à mentir »

Et regardez dans leurs discours, même le président français, toujours dans ses discours, les jeunes Africains sont influencés par la Russie. Il le dit, les médias occidentaux, vous les écoutez souvent, ils ne passent leur temps qu'à mentir. Et regardez aujourd'hui l'AES [Alliance des États du Sahel] qui est un modèle qui est en train de se dessiner. Ils ne peuvent pas se lever du matin au soir sans parler du Burkina ou parler de l'AES. C'est impossible pour eux. Et chaque fois, ils cherchent à envoyer des informations pour diviser, pour manipuler la jeunesse. Mais ça ne passe plus. Je pense que les gens sont assez conscients, les gens ont l'œil ouvert. Et vous tous, vous êtes victimes de ces gens-là, de la communication. Ce qu'ils font, ce qu'ils disent sur la Russie et tout, on le sait.

Jusqu'à aujourd'hui, il y a des jeunes Africains qui ont les yeux toujours fermés, qui croient à leur mensonge. Le récit de la Seconde Guerre mondiale, j'écoutais la dernière fois, quelqu'un disait qu'à la fin de la guerre, dans les dix années qui ont suivi, si on demandait en Europe qui a gagné la guerre, les gens disaient que c'était la Russie. Mais aujourd'hui, si vous demandez en Europe qui a gagné la guerre, ils vont dire que ce sont les Occidentaux.

Par la communication, ils ont réussi à renverser l'histoire et l'histoire africaine aussi, tout manigancer pour faire passer les mensonges. Et ça fait que les jeunes Africains, certains ne connaissent même pas l'histoire de l'Afrique. Qu'est-ce que l'Afrique a fait ? Certains ne savent même pas que nos grands-parents ont combattu, ont été mis à l'avant comme chair à canon et au retour, ils les ont tués comme des animaux. Est-ce que les gens savent que quand la France expérimentait sa première bombe atomique, ce sont des soldats noirs qu'ils ont mis à côté dans le rayon létal pour voir l'effet que ça fait ?

Sortons les archives. Tout ce qu'ils ont utilisé contre l'Afrique, c'est terrible. Donc, il y a tout ça qu'il faut communiquer pour que les jeunes Africains comprennent, parce qu'il y a beaucoup [de jeunes] encore endormis qui continuent de communiquer pour les impérialistes. Ils le font peut-être parce qu'ils leur donnent quelque chose, je ne sais pas. Mais l'Africain doit comprendre son histoire, se réveiller. Donc, c'est notre combat aussi.

Célébration du 9 mai : « Ce n’était pas uniquement une fête, mais c’est une célébration de la victoire d’un nouveau monde »

Nous sommes ici en Russie pour la commémoration du 80ᵉ anniversaire de la victoire sur le nazisme. On a assisté à la cérémonie, à une parade et à une cérémonie sur les dépôts de gerbes. Je pense que c'est très symbolique. Nous avons appris beaucoup de choses au cours de ce séjour. Ce n'était pas uniquement une fête, mais c'est une célébration de la victoire d'un nouveau monde. Donc ça a beaucoup de sens pour nous. Quand on fait défiler les engins qui ont gagné la guerre, c'est-à-dire les T-34, jusqu'aux engins modernes, ça nous montre l'évolution technologique de l'armée russe. Et ça nous inspire, nous aussi, à nous mettre au travail pour pouvoir nous développer dans le même sens.

On est toujours surpris quand on voit l'avancée technologique. Dernièrement, je pense qu'il y a une nouvelle arme qui a fait son apparition dans l'arsenal militaire russe, Orechnik [missile balistique russe à portée intermédiaire] que nous avons pu voir passer, et je pense que ça, c'est très significatif.

Échanges avec Poutine : « C’est très courtois, c’est amical, c’est fraternel »

Alors, pour l'instant, nous avons eu des rencontres brèves [avec Vladimir Poutine] et dans quelque temps, nous allons avoir un long entretien. Ça se passe très bien, vraiment, c'est très courtois, c'est amical, c'est fraternel et c'est tout ce qu'on demande en matière de nouvelles coopérations.

Les relations se portent très bien et je peux dire que depuis deux ans maintenant, les relations ont très bien commencé. Nous sommes en train d'approfondir les volets défense, sécurité, mais aussi les volets éducation, et plus tard, les volets commerciaux. Donc, nous avons échelonné les différents volets pour qu'on puisse échanger beaucoup, partager beaucoup d'expériences, parce que nous avons beaucoup à apprendre sur le volet éducation de la Russie, notamment dans les sciences.   

Financement du terrorisme par l’Ukraine : « Ils ont déclaré ouvertement qu’ils soutiennent les terroristes »

Ils [l'Ukraine] ont déclaré ouvertement qu'ils soutiennent les terroristes. Nous avons aussi pu remarquer effectivement, avec un certain nombre de technologies que les terroristes ont pu avoir, que ça vient d'eux. C'est malheureux, c'est très malheureux, mais toujours est-il qu'on ne s'apitoie pas sur notre sort. Nous avons pris la mesure de la chose, nous allons nous adapter, nous allons les combattre et ils ne pourrons pas vaincre. C'est ça le plus important pour nous.

Sur la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso 

Dans la région, comme vous le savez, la situation sécuritaire, nous essayons d'évoluer sur les champs de bataille. Ça, c'est la première chose, parce qu'il y a plusieurs facteurs qui rentrent en ligne de compte. Sur le champ de bataille, si on prend 2023 aujourd'hui, nous avons pu récupérer beaucoup de zones que nous avons pu pacifier. Mais l'ennemi se renforce aussi. Il y a beaucoup de combattants étrangers qui rejoignent le rendez-vous des terroristes.

Soutien extérieur au terrorisme : « Tous les pays impérialistes financent ces combattants »

Les terroristes, ils sont renforcés par beaucoup de combattants étrangers qui viennent d'ailleurs. Quand je prends le cas du Burkina, il y a beaucoup de criminels qui sont au Burkina, mais qui ne sont pas Burkinabè. Il y a aussi beaucoup de formateurs qui viennent de beaucoup de pays pour leur apprendre beaucoup de techniques [de combat]. Mais ce n'est pas du terrorisme en fait, c'est de l'impérialisme. L'objectif pour eux, c'est de nous maintenir dans une guerre permanente, qu'on ne puisse pas se développer et continuer à piller nos richesses. Donc, ils ont tout intérêt à amener des spécialistes dans les mines pour poser divers types de mines, des spécialistes en explosifs. Aujourd'hui, les terroristes utilisent des drones pour faire le combat et tout. Donc, ce sont des professionnels venus de certains pays qui viennent leur apprendre tout ça. Tout ça, c'est pour continuer à nous maintenir dans une situation d'insécurité. Mais nous prenons la mesure de la chose, nous nous adaptons à chaque fois à leur mode d'action et nous continuerons le combat jusqu'à récupérer l'entièreté du Sahel.