Afrique

La France écartée du marché algérien de la pomme, une aubaine pour la production locale

En fermant son marché aux pommes françaises, l’Algérie a favorisé un renouveau agricole local, porté par les vergers des Aurès. En clair : à la place de la filière française de la pomme une production nationale ambitieuse s'épanouit. Une reconquête qui fait néanmoins face à de nouveaux défis.

En Algérie, la production nationale de pommes s’est fortement développée. Selon le portail d’information TSA, cette évolution est directement liée à une décision stratégique prise par Alger : fermer ses portes aux importations de pommes françaises, autrefois massives.

Jusqu’en 2015, la France régnait sur le marché algérien. Lors de la campagne 2014-2015, près de 80 000 tonnes de pommes françaises étaient écoulées chaque année de l’autre côté de la Méditerranée. Mais, dès 2016 – pointe TSA – les autorités algériennes ont imposé des droits de douane de 30 %, assortis de droits additionnels provisoires de sauvegarde (DAPS) à 120 % sur de nombreux produits agricoles, dont la pomme.

Résultat immédiat : les exportations françaises plongent à 12 000 tonnes, avant de quasiment disparaître. Les producteurs français tirent la sonnette d'alarme ; les revues agricoles spécialisées multiplient les titres alarmistes. Même des responsables politiques comme Christian Estrosi tentent, en vain, d’intercéder auprès du gouvernement algérien pour rouvrir le marché.

La revanche des vergers algériens

Sur le terrain – souligne l’article de TSA – cette politique protectionniste a eu un impact immédiat : elle a stimulé un essor spectaculaire de la culture de la pomme, notamment dans les montagnes des Aurès, à Khenchela et Batna. Près de 10 000 hectares sont aujourd'hui consacrés à cette filière, produisant plus de 3,1 millions de quintaux en 2023.

Les paysages montagneux se sont transformés : vergers en terrasses, filets anti-grêle, bassins d'irrigation, groupes électrogènes pour pallier l'absence d'électrification, et de plus en plus, chambres froides pour stocker la récolte.

Cette dynamique a généré de nouveaux emplois : 20 000 personnes devraient être employées dans le secteur d'ici à la fin 2025. Elle a aussi attiré des investisseurs, séduits par les perspectives offertes par l’arrêt des importations. Le Salon de l’Agriculture de Paris en 2024 l’a confirmé : l’exemple algérien est devenu une référence pour ceux qui misent sur l’arboriculture.

Le défi de la spéculation

Pour autant, tout n’est pas rose, préviennent des sources citées par TSA. La pomme, produit de conservation, se prête à la spéculation. De nombreux grossistes stockent les fruits pour jouer sur la rareté et faire grimper les prix, voire écouler les pommes à l’étranger.

Sur les réseaux sociaux, les témoignages d'Algériens choqués par les prix élevés se multiplient : certaines variétés atteignent 1 000 dinars le kilo sur les marchés. La qualité est aussi décriée : pommes farineuses, brunâtres, impropres à une longue conservation hors chambre froide.

Les producteurs, eux, rejettent la faute sur la chaîne de distribution. « Nous vendons la meilleure qualité entre 200 et 250 dinars le kilo », affirme Yacine Nasri, président de la coopérative Pomme Bouhmama. Mais entre les mains des intermédiaires, le prix est multiplié par trois voire quatre.

La tentation de l’exportation

La priorité donnée à la production locale a permis de réduire la dépendance extérieure, mais la tentation de l'exportation nuit à l'équilibre du marché intérieur, décortique encore TSA. Certains proposent d’interdire l’exportation de pommes pour stabiliser les prix.

Cette situation commence à irriter non seulement les consommateurs, mais aussi l’Union européenne. En 2024, Bruxelles a lancé une procédure contre Alger pour restrictions commerciales jugées abusives, dénonçant notamment les DAPS. 

Pour Alger, la reconquête agricole est stratégique : produire localement pour éviter la facture des importations. Mais la réussite de cette politique repose sur une condition essentielle : un encadrement rigoureux de la filière.