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Tunisie : lourdes peines de prison contre des dizaines de personnalités, dont le chef d’Ennahdha Rached Ghannouchi

Le chef du parti islamiste Ennahdha, au pouvoir en Tunisie de 2011 à 2021, ainsi que des dizaines de personnalités politiques et médiatiques, dont un ancien chef de gouvernement, ont été condamnés le 5 février à de lourdes peines de prison pour «atteinte à la sécurité de l’État» et plusieurs autres chefs d’accusations.

En Tunisie, 38 personnalités politiques, dont le chef du parti islamiste Ennahdha et ancien président du parlement, Rached Ghannouchi, trois membres de sa famille et plusieurs membres de son parti, ainsi qu’un ancien chef de gouvernement, mais aussi d’anciens ministres et des dizaines d’influenceurs et de journalistes, ont été condamnés en première instance le 5 février à de lourdes peines de prison pour «atteinte à la sûreté de l'Etat» par un tribunal de la capitale Tunis, dans le cadre d'un procès connu dans les médias sous le nom d’«Affaire Instalingo».

Rached Ghannouchi, déjà en détention et poursuivi dans plusieurs autres affaires, y compris pour des affaires d'assassinats politiques qui avaient secoué le pays il y a plus de dix ans, a écopé ainsi de 22 ans de prison. Ayant fui le pays, son fils Mouadh (35 ans de prison) et sa fille Soumaya (25 ans de prison), mais aussi son gendre, Rafik Bouchlaka (34 ans de prison), également ancien ministre, ont été condamnés par contumace.  

Le tribunal a condamné également par contumace l’ancien chef du gouvernement Hichem Mechichi à 35 ans de prison et infligé de lourdes peines de prison à Lotfi Zitoun et Riadh Bettaieb, deux anciens ministres affiliés à Ennahdha, ainsi qu'à Mohamed Ali Aroui, ancien porte-parole du ministère de l'Intérieur et Lazhar Loungou, ancien haut-cadre du même ministère. Des dizaines de journalistes et d’influenceurs ont également écopé de lourdes peines dans cette affaire qui fait grand bruit en Tunisie de par son ampleur et le nombre important des personnalités impliquées.

Ennahdha fustige un procès «politique»

Les enquêtes sur cette affaire ont commencé en septembre 2021. Elles visaient alors une entreprise basée à Kalaa Kebira dans le gouvernorat de Sousse à l’est du pays. Spécialisée dans la création de contenu numérique, la société Instalingo, qui a donné son nom à l’affaire, est accusée d’avoir mené des activités compromettant la sécurité nationale, notamment par des tentatives de manipulation de l’opinion publique et par le blanchiment d’argent.

Les charges retenues contre les suspects incluent également l’atteinte à la sécurité de l’État, des tentatives de modification de la forme du régime, l’incitation à la violence armée et des accusations de corruption financière. Plus d’une cinquantaine de personnalités politiques et médiatiques, affiliées au parti islamiste Ennahdha, sont toujours visés par les enquêtes.

Le parti Ennahdha a réagi dans un communiqué fustigeant un procès «politique». Le mouvement islamiste et des partis alliés ont gouverné le pays de 2011 à 2021, date du coup de force du président Kaïs Saïed, qui s’est arrogé tous les pouvoirs et a effectué une refonte du système politique et institutionnel du pays, avant sa réélection en octobre 2024 à plus de 90% des voix.