Alors que les combats, y compris à l’arme lourde, s’étendent désormais au centre-ville de Goma, à la suite de la percée des rebelles du M23, soutenus par les forces armées rwandaises, dans cette métropole de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), de hauts responsables de l’ONU ont appelé les belligérants à convenir de pauses humanitaires pour faciliter l’évacuation des civils, ainsi que des blessés et des cadavres.
«Il y a beaucoup de cadavres dans les rues, beaucoup de gens tués», s’est alarmé ce 28 janvier depuis Goma le Coordonnateur humanitaire de l’ONU en RDC, Bruno Lemarquis, dans des déclarations aux médias. La veille, le responsable onusien avait rapporté, lors d’un entretien avec les journalistes par visioconférence, que les zones de combat actives s’étaient étendues «à tous les quartiers de la ville».
«Les scènes rapportées par les collègues et partenaires humanitaires sur le terrain sont tout simplement chaotiques», s’affolait par ailleurs Bruno Lemarquis, rapportant que des obus avaient notamment touché la maternité de l’hôpital Charité Maternelle, dans le centre de Goma, tuant et blessant plusieurs civils, «y compris des nouveau-nés et des femmes enceintes».
Le chef des opérations de paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, qui participait également à la visioconférence, a fait état quant à lui d’«un changement significatif dans l'équilibre des forces sur le terrain» en faveur du M23 et ses alliés rwandais. Malgré ce revirement, les casques bleus de la Mission de l’ONU en RDC (MONUSCO) «restent sur leurs positions sur le terrain», pour appuyer l’armée du gouvernement de Kinshasa, avait affirmé Lacroix.
Le 27 janvier, le M23 avait occupé plusieurs positions dans la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, après avoir pénétré la veille dans le quartier de Munigi, dans la banlieue nord de cette métropole qui compte plus de deux millions d’habitants, dont au moins 500 000 déplacés.
Le gouvernement de Kinshasa avait déclaré dans un premier temps vouloir «éviter le carnage» à Goma, mais face à l’avancée importante du M23, les combats ont repris de plus belle, provoquant des déplacements de population massifs ainsi que le blocage de plusieurs routes, la fermeture de l’aéroport de la ville et des coupures d’eau, d’électricité et de réseaux téléphoniques.
«Des hôpitaux débordés»
Alors que les combats font rage, des centaines de milliers de personnes tentent de fuir les violences, selon des images et des vidéos relayées par la presse locale et internationale. D’après Bruno Lemarquis, 700 000 d’entre elles étaient déjà déplacées et vivaient dans des conditions «désastreuses» aux abords de la ville. «Fuir au beau milieu des affrontements présente un risque mortel, mais pour beaucoup il n'y a pas d’autre choix», a-t-il notamment déclaré.
Selon Lemarquis, les hôpitaux de Goma sont «débordés» et peinent à gérer l’afflux de blessés. Le responsable humanitaire a notamment indiqué que l’hôpital général de Ndosho, l’un des principaux établissements de santé de la ville, était «inondé de patients», bien au-delà de sa capacité d’accueil. Au 24 janvier, l'établissement traitait 259 patients, dont 90 civils, alors qu’il ne dispose que de 146 lits, a précisé Lemarquis. Le 27 janvier, a-t-il ajouté, 117 blessés supplémentaires ont été admis pour des soins critiques.
Depuis le début de l’année, le M23 a lancé des opérations de grande envergure dans la région du Nord-Kivu, avec l’appui des forces armées du Rwanda. Cette offensive a permis aux rebelles, munis d'artillerie lourde et de systèmes de brouillage du GPS, d’étendre de manière significative leur territoire par la prise de plusieurs villes en l’espace de quelques semaines. Le M23 a ouvert un nouveau front dans la province du Sud-Kivu, prenant notamment le contrôle cette semaine de Minova, une ville située à un carrefour stratégique le long de la route vers Goma.
Vers un sommet extraordinaire en présence de Tshisekedi et Kagame
Face à cette escalade, la RDC a annoncé, le 25 janvier la rupture de ses relations diplomatiques avec le Rwanda, qu’elle accuse de soutenir la percée militaire des rebelles du M23 dans l’est du pays. Parallèlement, le Conseil de sécurité de l’ONU, réuni d’urgence le 26 janvier, a dénoncé le «mépris éhonté» de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC, appelant au retrait des «forces extérieures». Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a, lui, explicitement exigé le retrait des troupes rwandaises, mettant en garde contre une escalade qui pourrait «embraser toute la région».
De son côté, le président kényan William Ruto a convoqué un sommet extraordinaire de la Communauté des États d'Afrique de l'Est (EAC) qui devrait se tenir le 29 janvier en présence des présidents de la RDC Félix Tshisekedi et du Rwanda Paul Kagame. Ce dernier, accusé de soutenir logistiquement et militairement le M23, avait refusé de participer à une réunion tripartite le 15 décembre dernier en Angola, censée établir une feuille de route vers la paix.
Alors que l’armée de la RDC (FARDC) tente de contenir les rebelles, les efforts diplomatiques, tels que le processus de Luanda, peinent à produire des résultats concrets face à l'absence de coopération du Rwanda. La RDC est confrontée depuis plusieurs années à une guerre meurtrière provoquée par la rébellion du M23, actif au Nord-Kivu, dans l’est du pays. Le groupe armé a été créé en 2012 par des officiers entrés en rébellion contre le gouvernement central.