La République démocratique du Congo (RDC) a déposé, le lundi 16 décembre, des plaintes pénales contre Apple et ses filiales en France et en Belgique. L’État congolais accuse la multinationale américaine d’utiliser des minerais issus de l’est du Congo, une région ravagée par des conflits armés, dans la fabrication de ses produits. Selon les avocats du gouvernement, ces minerais, qualifiés de «minerais du sang», seraient blanchis à travers les chaînes d’approvisionnement internationales, notamment via le Rwanda.
La plainte déposée à Paris vise des accusations graves, parmi lesquelles recel de crimes de guerre, blanchiment et pratiques commerciales trompeuses. Selon l’avocat William Bourdon, cité par La Croix le 17 décembre : «C’est le devoir et l’honneur de la France d’être le premier pays à judiciariser les conditions dans lesquelles sont exploités les minerais du sang et l’enrichissement sans fin dont bénéficient cyniquement les plus grandes firmes.»
Depuis les années 1990, l’est de la RDC est le théâtre de violents conflits impliquant des groupes armés et des milices. Ces factions se financent par l’exploitation illégale de minerais comme l’étain, le tungstène, le tantale et l’or. Ces ressources stratégiques sont essentielles à l’industrie électronique mondiale.
La RDC accuse Apple d’assurer faussement aux consommateurs que sa chaîne d’approvisionnement est propre. En réalité, selon les avocats de Kinshasa, les minerais exploités illégalement transitent par des réseaux frauduleux avant d’être intégrés dans des produits électroniques tels que l’iPhone. «L’ampleur et la durée de ces activités ont infligé de la destruction et des souffrances insondables au sein de la population civile», ont déclaré les représentants du gouvernement congolais dans un communiqué.
Apple nie toute implication dans le trafic de minerais
De son côté, Apple rejette les accusations. Dans son rapport annuel 2023 sur les minerais de conflit, cité par Bloomberg, la société assure qu’il n’y a «aucune base raisonnable» pour conclure que ses chaînes d’approvisionnement financent ou bénéficient à des groupes armés. Apple affirme avoir audité ses fournisseurs et éliminé ceux qui ne respectent pas les normes requises. Toutefois, les avocats du Congo dénoncent ces déclarations comme étant insuffisantes et trompeuses, s’appuyant sur des rapports récents d’organisations telles que Global Witness et la Responsible Minerals Initiative.
Pour Kinshasa, cette plainte est une étape décisive dans la lutte contre le pillage de ses ressources. Le gouvernement entend responsabiliser les grandes entreprises internationales et mettre en lumière les conséquences humaines dramatiques liées à cette exploitation illégale. Le ministre de la Justice congolais a réaffirmé que cette action vise à «restaurer la souveraineté du Congo sur ses ressources naturelles» et à stopper l’enrichissement illégal d’acteurs étrangers sur le dos des populations locales.»
Les avocats représentant la RDC ont également écrit à la Commission européenne pour appeler à une régulation plus stricte des chaînes d’approvisionnement en minerais. Selon eux, les mécanismes de certification actuellement mis en place sont inefficaces et ne font qu’alimenter le problème, en permettant aux minerais de passer inaperçus dans le commerce international. En juillet dernier, le Département d’État américain a confirmé que le commerce illicite de ces minerais contribuait directement au financement des conflits en RDC.